vendredi 13 décembre 2013

D'Anna Politkovskaïa à la flamme Olympique

Vous n'avez peut-être pas lu "Douloureuse Russie" D'Anna Politkovskaïa mais vous devriez. Ca a été une découverte pour moi bien avant que j'imagine vivre à Moscou. Et un choc. Cette femme inspire le respect. Encore une. Beaucoup d'hommes n'ont pas son courage car pour mener son combat elle n'avait pas d'armes. En tous cas pas de celles qui crachent du feu et tuent. Ce qui n'était pas le cas de ceux dont elle s'inquiétait de la légitimité politique et des agissements et qui opéraient et opèrent encore en Tchétchénie avec la bénédiction du Kremlin (kremlin "кремль", c'est la forteresse en russe ; il y en a dans toutes les villes un peu anciennes et d'une certaine importance et c'est donc assez bien trouvé pour désigner le pouvoir politique russe). Son nom, Politkovskaïa, m'a toujours fait penser à politique d'ailleurs et je crois que je ne le lisais pas en entier. Après quelques mois de russe, ce nom n'est plus du tout un obstacle, c'est même un plaisir. 


Et sur le chemin du Lycée Français, en allant chercher Daphné (mais non elle n'est pas encore au lycée, vous pouvez pas comprendre), je tombe sur cette plaque commémorative pleine de fleurs, devant le siège de son journal que je ne savais pas être là. Re-choc. Il y a des Russes qui commémorent sa mémoire, qui laissent des fleurs et même qui photographient (je n'étais pas le seul) !? Respect. C'était très émouvant, dans cette rue minable, la plus défoncée que je connaisse, pourtant en plein centre (c'est notre raccourci pour l'école).
Troisième personnalité avec qui je trinque (si vous n'avez pas lu mes rencontres avec Soljenitsyne et Dostoïevski, relisez les articles précédents). Cette fois c'est deux verres. Et deux vodkas différentes. Une "Russian Standard" et une "Moskovskaïa". Les 2 sont russes, la première est meilleure à mon goût même si je préfère la bouteille de la seconde. C'était le septième anniversaire de son assassinat.
De flamme en flamme, de vodka en vodka, nous voici aux jeux Olympiques d'hiver de 2014 de Sotchi ("Сочи", en russe la lettre C se dit toujours "ce", jamais "que". Pour "que" il y a la lettre K !).
Les jeux les plus chers de l'histoire, et les plus chers aux yeux du Kremlin. L'histoire de la flamme est symptomatique. J'ai un peu suivi car on est allé la voir près de chez nous, sur la place Rouge. Un vrai délire. L'arrivée en avion déjà de cette lampe à pétole qui contient la vrai flamme olympique qui ne s'éteint jamais. Imaginez ! Mais qu'est que c'est que cette connerie ? Et maintenant des flammes olympiques il y en a dans toute la Russie ; on a pu la voir sur la place Rouge, dans l'espace (éteinte faute d'oxygène mais elle était toujours là), dans le lac Baïkal, sur un sommet de l'Oural. Le parcours le plus long de l'histoire puisqu'il doit atteindre les 65000 kilomètres. Un nombre invraisemblable de relayeurs, plongeurs, cosmonautes avec la même flamme qui a déjà été rallumée par un garde avec son briquet dès son premier tour d'honneur du Kremlin de Moscou. Mais c'est toujours la même flamme. C'est ça l'esprit olympique, comme l'esprit d'équipe, un esprit, une équipe ; alors on partage ! Merci Michel (Colluchi dit Coluche), à la tienne !
Ce dimanche sans pluie, jour d'arrivée de la flamme, nous partons en direction de la place Rouge. Il parait que c'est un événement cette flamme. Soit. Ah, elle est importante dis donc, il y a plein d'OMOH (les CRS locaux) ! Mais on ne passe pas mon petit monsieur, billet, pas billet, passeport, pas passeport, carte de journaliste, etc. Niet !. Quand on apprend que Poutine a prévu de venir alors on comprend qu'à 200 mètres de la place, on ne circule que sur invitation. Ces messieurs ont des listes de noms. Point barre. Attendez les enfants, papa il est rusé comme le lissa (le renard, "лиса"). Venez au Goum, on domine la place Rouge. On ne sera sûrement pas les seuls à y avoir pensé, mais bon. On monte, on aura une meilleure vue. Mais...
Ils ont fermés tous les magasins de tous les étages donnant sur la place, tendus des rideaux devant toutes les vitrines, et postés des gardes. J'imagine qu'ils sont armés. Mais ils sont complètement malades ! Je ne vois qu'une explication. Une tête nucléaire produit l'énergie de la flamme olympique et le président tient à protéger son peuple !
Quelques jours plus tard, j'ai pu approcher les gradins ayant reçu les figurants qui ont pû ou dû  assister à cette mascarade, cliquez sur la photo ci-dessous pour voir
Et les russes, qui n'ont pas leur sens d'observation dans leur poche, ont remarqué que ce symbole de la flamme 2014 n'était rien d'autre que la lettre "P" stylisée d'une célèbre vodka russe (le R de rouskaïa). Vous le saviez, ça ce confirme. Ici, ça picole sec !
Alors deux remarques. La première sur la police de caractère qui m'a permis d'écrire "olimpiïskiï ogone", flamme olympique : le L "л" n'est pas catholique, ni orthodoxe. Il est presque comme le "tch" : ч. Seule la boucle du début de la lettre permet de deviner qu'il s'agit d'un L. C'est une des difficulté de l'écriture manuscrite en russe, si vous essayez d'attacher les lettres et que vous avez le malheur d'ajouter un petit trait, vous changez parfois la lettre. Pas facile à lire, je confirme.
Seconde remarque : comme il n'y aura pas plus de monde proportionnellement au jeux de Sotchi -car très loin et très chers, avec toujours autant de difficultés pour les étrangers d'obtenir des visas- qu'aux championnats du monde d'athlétisme de Moscou d'août dernier, les fonctionnaires seront réquisitionnés pour remplir et faire bonne figure face aux caméras. Et comme Sotchi est au bord de la mer noire, il va falloir faire preuve de beaucoup de persuasion pour que la population de la région se convertisse aux sports de glace. Si on souhaite que ces installations soient réutilisées bien sûr. 
Un responsable (français) de pistes de ski témoignait qu'il devait recevoir 17 dameuses alors qu'il n'en avait besoin que de 5. Tout le monde n'a pas les mêmes intérêts dans ces JO à l'origine réservés aux sportifs amateurs. En passant, une petite pensée pour Pierre de Coubertin...

lundi 9 décembre 2013

Chaussures et souliers

Pour compléter mes dires, voici à gauche -sur la photo ci-dessous- la fameuse porte en bois qui donne accès à un magasin de chaussures, dans le sous-sol de l'ambassade de Biélorussie. Aucune fenêtre ni affiche pour attirer le chaland pourtant. Ce qui n'arrange rien dans vos recherches, c'est que dans votre petit livre de russe "Je parle russe, niveau 1" -je vous le recommande à la différence du russe pour les nuls (mais tu le sais déjà, fidèle lecteur)- la chaussure se dit туфля et aucun magasin ne vend de "touflia" ! Par contre nombreux vendent des обувь, "chaussures" (o-b-ou-v).  Quand on le sait, c'est vrai que l'on peut lire sur la porte "Obouv biélaroussi". Remarquez, quand on ne le sait pas aussi, je pense ; je n'ai pas essayé.
C'est vrai qu'ici les chaussures vernies, les escarpins et les pantoufles, ce n'est pas nécessaire. Pendant que j'y pense, j'enlève mes chaussettes, je meurs de chaud. Moins cinq degrés dehors mais 25 dans la maison, que voulez-vous ! Pas de robinet sur les radiateurs. Les chaussettes, j'y reviendrai, c'est une spécialité russe.
A Moscou, on voit beaucoup de chaussures fourrées, et ce n'est pas du luxe. Mais si, c'est cher ! Mais le luxe c'est plutôt l'image que l'on se fait de la "novaïa kollectsia" (image de droite sur la photo qui est en haut maintenant, faut suivre). Avant nous croyions que les échasses c'étaient pour l'escalier de Cannes qui a de grandes marches mais sur les trottoirs défoncés ça marche aussi ! La preuve en images si vous cliquez sur les chaussures posées sur le tabouret (si vous ne voyez pas le tabouret, je ne peux plus rien pour vous ou alors essayez en baissant un petit peu les yeux). 
Parenthèse sur les magasins de lunettes : il y en a très peu à Moscou alors qu'en région parisienne, il y en a en veux-tu en voilà. Plusieurs pharmacies par rue par contre et un certain nombre, comme les fleuristes, ouvertes 24 heures sur 24 ! Class, class comme le répète sans cesse le prof de saxo de Daphné. Pour fermer la parenthèse, il y a un rapport linguistique entre les pharmacies et les opticiens en russe : le premier s'affiche аптека "a-p-t-ié-k-a" tandis que le second annonce оптика "o-p-t-i-k-a" ; le "o" devenant "a" quand il n'est pas accentué, ce n'est pas le moment d'égarer ses binocles !
Sinon, pour revenir à nos moutons, il y a pléthore de chaussures fourrées (elle est bonne celle-là), c'est un régal (si vous venez les filles, n'oubliez pas la carte visa, le chéquier c'est pas bon ici). Des basses, des hautes, des bottes avec ou sans la fourrure qui dépasse sur le revers. Class, class ! Sur le marché de Yaroslav, j'avais équipé mes Clarks de semelle de mouton/feutre et ça me tient tellement chaud que je continue de les porter avec moins dix degrés sans grosses chaussettes. Quand il y a trop de pluie ou plus de 10 centimètres de neige, je rechausse mes rando en goretex. Nikel. La neige, c'est une blague, y'en a pas ! Dès que ça tombe, ils l'enlèvent ou ça fond car le thermomètre ne sais pas encore trop à quel saint se vouer. 
La petite histoire des photos de chaussures, car il y en a une, n'est pas du tout ce que l'on pourrait croire. Bien qu'un objectif de 50 mm demande une certaine proximité avec le sujet, je n'ai pas pris de coup de sac à main. Par contre, pour la photo de l'affiche, ça à failli finir au poste ! J'avais déjà commencé la série de photos de talons sans savoir ce que ça donnerait quand un matin après être passé à l'école à 8h, je suis parti à la recherche d'un nouveau centre commercial avec un grand supermarché. Peu après la porte d'entrée du fameux centre Gagarine, un beau magasin de chaussures avec cette affiche. Personne à l'intérieur, je ne risque pas de gêner. Evidemment il était moins de 9h et même si l'on travaille tard à Moscou (rien ne ferme à 18h, si ce n'est pas 24h/24, ça ferme à 19, 20, 21, 22 ou 23h), les centres commerciaux ne s'éveillent vraiment qu'à 10h. Donc je sors mon appareil photo. Evidemment, ce n'est pas le bon objectif. Je change. Je shoote. Je règle la vitesse. Reshoote. Je ne suis pas réveillé ou quoi ? Ca déclenche avec du retard !? Je laisse passer un flot d'employé. Et là c'est un policier qui débarque et qui commence, à mon attention, un discours autoritaire. Je ne vais pas le résumer, je n'ai rien compris sinon qu'il valait mieux que je me tire. J'ai l'impression qu'il attendait quelque chose comme des papiers mais je suis bien trop mauvais pour l'avoir compris donc j'ai joué au touriste. Photo photo, clic clic. Et c'est sur un banc, quelques minutes plus tard que j'ai découvert une option activée sur mon boitier que je n'avais jamais utilisée et qui avait dû glisser sous un doigt, pour déclencher avec 2 secondes de retard ! Et toutes les photos étaient floues comme de bien entendu ! Mais j'ai vu par la suite que cette affiche était en vitrine de nombreux autres magasins. Et alors, j'ai fait mes réglages sur des cibles plus touristiques avant d'immortaliser la nouvelle vitrine victime de mes caprices, sans flash pourtant. Depuis, j'évite les photos dans les centres commerciaux qui sont surveillés aussi étroitement que les entrées de métro.
Pour les chaussettes, je vous l'avais promis, c'est plus gai et assez typique de la Russie. Ici, dès l'entrée de l'appartement (très peu de maison en ville évidemment) on se déchausse. Tout le monde. Partout. On a donc franchit le pas nous aussi ; nous le faisions déjà en France mais pas aussi rigoureusement, c'est le moins que l'on puisse dire. Les premières chaussettes que l'on a vu ont été celles du propriétaire, après celle de l'assistante de M., puis de l'opérateur de téléphonie Andréï (très répandu comme prénom), puis du médecin, du prof de piano etc. Je ne cite pas toutes les chaussettes dans les soirées, on n'en sortirait pas. Avant que le thermomètre ne bascule dans le négatif, et même les jours de pluie, on voyait, dehors, sur les échafaudages (branlant cela va sans dire) des ouvriers en sandales plastique ouvertes ; ou des livreurs avec le même type de tong. Non, ils n'étaient pas partis de chez eux trop vites, ils avaient opté pour le plus rapide quand on franchit le seuil d'un domicile ! J'ai même vu un déménageur avec ce type de "chaussure" idéale pour se tordre le pied quand on porte des cartons dans un escalier. Voilà pour la face cachée des chaussures, sympathique aussi je trouve. Mais j'ai encore laissé passé l'heure,
Cпокойной ночи.