lundi 15 décembre 2014

Notre héros Dejourov

Rencontre avec un homme remarquable, un héros ordinaire, notre héros car nous avons pu lui parler : le cosmonaute Vladimir Nikolaïevitch Dejourov.
Le problème avec l'espace, c'est l'absence de pesanteur. Le sang monte a la tête et cela procure la sensation d'avoir de la fièvre et les pieds sont froids. C'est très désagréable et le travail s'en trouve perturbé. Le fait que plus rien n'ait de poids rend dangereux l'utilisation des liquides dont la moindre goutte qui vole peut endommager les appareils électriques, les cheveux coupés sont dangereux pour les yeux, les miettes pour le système respiratoire et je vous laisse donc imaginer la multitude d'actes qui sont anodins sur terre et ne le sont plus la-haut. Ce n'est pas fait du tout non plus pour un ado. Impossible de traîner au lit, il faut s'attacher, impossible de ne pas ranger sa chambre, rien qui ne soit arrimé ne conserve la place qu'on lui a initialement trouvé.
Face à cette absence de force nécessaire pour se mouvoir (qui peut sembler idéale pour les êtres en surpoids), plus aucun muscle ne fait même l'effort de se porter lui-même. Au bout de quelques mois à ce régime, même en s'astreignant à plusieurs heures quotidiennes d'activités sportives, nous ne sommes plus capables de marcher lors de notre retour sur terre. Lors de mon premier voyage, j'ai perdu 10 kilos en 4 mois et demi. 

Ceci n'a pas empêché nos ingénieurs de nous concocter des bagages de survie en mer, en jungle, en désert dans le cas où  le lieu de notre atterrissage retour ne soit pas contrôlé. Ainsi, pendant les années de préparation au vol spatial, nous affrontons, comme des commandos militaires parachutistes, les environnements les plus hostiles de notre planète. A ces entraînements de survie, nous ajoutons des années d'apprentissage du matériel de commande des vaisseaux que nous aurons à piloter et à réparer. Tout ou presque est ou sera automatique mais en cas de dysfonctionnement quel qu'il soit, il sera impossible d'appeler un réparateur, nous ne pourrons compter que sur nous-même. Nous pouvons avoir toutefois l'assistance de notre doublure sur terre qui peut essayer de reproduire en simulation les problèmes que nous rencontrons pour nous apporter, avec si besoin les équipes d'ingénieurs, des conseils. Nous sommes toujours deux à nous préparer exactement de la même manière sans savoir à l'avance lequel sera sélectionné ; ce sera fait en fonction de nos forces physiques et mentales respectives le moment venu. L'équipement est maintenant en double également afin de palier à une défaillance pouvant mettre en péril la mission. Et la Cité des Etoiles, comme l'a baptisé Gagarine, près de Moscou, nous permet de vivre avec nos familles et de nous entraîner sur des répliques hier de la station Mir, aujourd'hui de la Station Spatiale Internationale. En piscine, dans un grand bassin, nous pouvons simuler l'apesanteur pour faire des réparations à l'extérieur des modules. De grands bâtiments nous permettent aussi de recevoir tous les enseignements théoriques nécessaires.
Imaginez que même lorsque nous sortons dans l'espace hors de la station pour des réparations, nous sommes accrochés à l'aide d'un mousqueton qui n'est fait pour s'ouvrir qu'en combinant 3 actions manuelles ; et bien, il est déjà arrivé que ces fameux mousquetons, dans l'espace, s'ouvrent tout seul ! Donc il faut toujours avoir 2 points d'ancrage. C'est plus astreignant que l'accrobranche pour ceux qui sont familiers de cette activité ludique dans les arbres (diériva, l'arbre -дерево- n'oublions pas de faire un peu de russe ;  et le plus important en Russie, le bouleau : береза). Quand nous travaillons dehors plusieurs heures d'affilée, notre scaphandre de 110 kilos nous parait certes léger mais les mouvements sont difficiles ainsi habillés et nous ne pouvons nous aider de la pesanteur pour aucune action, c'est épuisant. C'est un grand paradoxe. Comme celui de voir la terre (земля) si belle dans ce cosmos si noir, de voir notre taille insignifiante et de savoir les haines qui se développent encore pour des différences de religion, de couleur, de sexualité. Ces luttes sont plus que dérisoires quand on prend de la hauteur. Avec leur formation militaire initiale de pilote de chasse, les cosmonautes deviennent plus philosophes que certains hommes de lettres.
Apprenez que lors d'un retour sur terre sur le sol américain d'un équipage russo-américain, les russes ont été arrêtés car ils n'avaient pas de visa ! C'était en 1995. 
Les médecins nous prennent en charge dès notre arrivée, contrôle notre santé et notre capacité à nous réadapter à la vie terrestre. Après tous ces mois passés dans l'espace, je me couche, le médecin pose un drap sur moi et voilà que j'étouffe, je ne peux plus respirer, la cage thoracique comprimée comme par une plaque de béton. Ensuite, je vois qu'un téléphone a été installé dans notre chambre, je décide de donner des nouvelles à ma famille. Je saisis le combiné mais impossible de le soulever. J'essaye à 2 mains, de toutes mes forces, impossible ! Ils ont vissé le téléphone, ces andouilles, c'est une blague ! J'appelle le médecin.

- Tu sais que nous avons le téléphone, il est là, on doit pouvoir appeler la Russie, vas-y, utilise-le !
Je ris en moi-même et guette sa réaction. Il s'approche du guéridon, tend le bras, pose sa main sur le combiné, décroche, compose le numéro et parle en russe avec sa famille pendant un temps qui n'en finit pas. Alors, ça marche !? C'est moi qui...

Il m'a fallu plus de 4 mois pour récupérer ma force.
Si les extra-terrestres débarquent, notre pesanteur sera notre meilleure défense. Je n'ai jamais vu ça au cinéma, c'est étrange...

samedi 6 décembre 2014

Orphelin sur le quai

A l'arrière, sur le pont, je respire enfin. Le vent fait voler mes cheveux. Toute cette verdure, une vrai forêt ! La aussi, c'est Gorki ? Au milieu d'une grande ville, c'est rassurant pour notre équilibre tout de même. Mais c'est étrange pour moi de faire cette croisière seul. Ma maison, mes proches sont si loin ! Sans ce job je n'aurais peut être jamais mis les pieds à Moscou. Et si ce matin, je n'avais entendu Loudmila au téléphone parler à son père, du brise glace sur la Moskova, je n'aurais jamais penser à prendre ce bateau pour aller au Monastère de l'autre coté de Moscou. Il n'y a que sur le pont que je peux voir tout autour du bateau, sur les quais, les bâtiments si anciens et nouveaux en même temps. Ces constructions récentes à la manière de, empreintes de classicisme avec ces colonnes en façade. C'est épatant ! Et là, cet énorme bâtiment gris, un vrai château fort. Il n'est pas très beau mais est imposant. C'est ce qu'on appelle du constructivisme m'a-t-on dit. Avec des fondations sur pilotis comme à Venise (ici c'était marécageux), des cours carrées à l'image de l'architecture des villas italiennes agréables à vivre avant que les voitures ne grignotent tout cet espace. C'est le guide qui racontait ça ; comment ça ce fait que je me souvienne de ces propos, moi qui dit toujours que je n'ai pas de mémoire pour ces choses là ? Mais ce qu'il n'a pas dit et que je sais et qui apparaît évident pour moi tout à coup, c'est que là haut, sur le toit de cette immense battisse, il y a une école. Ou il y avait. J'en suis sûr. Ce n'est pas ma mémoire qui parle, c'est mon sang. Mon corps. J'ouvrais une porte, tournais à droite, prenais un ascenseur et arrivais à l'école. Je tenais la main de quelqu'un mais quand je lève les yeux, il n'y a pas de visage. Comme si quelqu'un avait malicieusement découper le visage de... de ma mère certainement. Je suis allé dans cette école. J'ai vécu ici dans ma petite enfance avant l'orphelinat, j'ai trouvé, j'habitais là ! Mais laissez moi descendre, je veux descendre, je DOIS descendre !.

Le bateau s'est rapproché du quai, à coté du pont. Je suis le seul à descendre ici ? Peu importe. On est pourtant à coté du Kremlin, il n'y a que la Moskova à traverser et les grandes routes de part et d'autre. Les grands axes à Moscou, ce ne sont pas des routes, ce sont des autoroutes. C'est Loudmila qui me disait ça avant que je parte. Fais bien attention aux voitures ! Elle a bien fait d'insister sinon je serais déjà mort écrasé. Je n'arrive pas à détacher mes yeux de cet immeuble. Mais comment je vais faire ? Et moi qui voulais même sauter du bateau, il faut que je me calme. Je vais aller trouver le gardien. Il doit bien avoir un registre avec tous les noms des habitants d'hier et d'aujourd'hui. En Russie, on ne rentre dans les grands immeubles qu'en donnant son nom et parfois même il faut son passeport. Et quand c'est encore bien organisé, le gardien écrit sur un registre le nom du visiteur et prévient l'habitant s'il a le téléphone. c'est pour ça que c'est bien mieux de prévenir à l'avance le gardien que l'on va avoir de la visite, ça évite des tracasseries à celui qui ne connaît pas la procédure. Mais il est vraiment immense ce bâtiment. Çà commence où ? Çà s'arrête où ? Çà fait dix minutes que je marche et je n'ai pas fait le tour ; il y a plusieurs cours. Est-ce que tout ça communique ? Je n'en sais rien. 
- S'il vous plaît, izvinitié pajalousta, savez-vous où se trouve le gardien ? Dans la cour ? Mais quelle cour ? Il est toujours en train de fumer, appuyé contre la porte ? Spaciba. 
Ah, ça doit être lui là-bas. Et, m..., j'ai marché dans une flaque aussi profonde qu'un tombeau, j'ai le pied trempé.
- Bonjour Monsieur. 
Le brave homme est bien le gardien. Il est aussi aimable qu'une porte de prison :  mais ce n'est pas réservé à la profession, cette humeur. 
- Mais que voulez-vous que j'y fasse que vous ayez habité là, je ne suis pas le KGB.  
Justement le KGB -ou appelez le comme vous voulez- il change de nom aussi souvent que les partis politiques croyant que ça suffit pour dissimuler les malversations et les échecs du passé, il a les noms c'est certain de tous ceux qui ont habités ici. 
- Vous me conseillez d'aller voir le bureau la-bas ? C'est un musée ? Mais je n'ai pas envie d'aller au musée... 
Je vais aller voir car j'ai consommé tout mon temps de parole avec le gardien qui s'est refermé comme une huître. Un escalier de quelques marches, une porte avec une petite plaque. Je mets au défi un touriste de venir dans ce musée. Même par hasard, même perdu, pourquoi aller pousser cette porte en bois plein au milieu de ce mur sale ?
- Sdrasvouitié, izvinitié pajalousta (par contre on entre sans frapper, frapper et attendre un "entrez", ça n'existe pas ici), vous n'allez pas me croire Madame, je viens de passer devant ce bâtiment et j'ai eu un pressentiment ou plutôt une certitude : j'ai habité ici, dans cet immeuble que l'on voit depuis la rivière. Ah, excusez-moi, je ne me suis pas présenté. Igor Vladimirovitch Viatcheslav. J'ai grandi dans un orphelinat dans la banlieue éloignée de Moscou mais je ne sais pas où je suis né. Certainement Moscou. Le gardien m'a dit que vous pouviez m'aider.
- Vous êtes le bienvenu Monsieur, notre travail ici est particulier. Nous sommes effectivement un Musée mais le seul musée au monde dédié à l'histoire d'un bâtiment. Notre travail n'est pas terminé. Mais connaissez-vous l'histoire de cette maison sur le quai comme l'a appelé le survivant Trifonov et l'architecte Iofane avant lui ? A quel âge avez-vous quitté la maison ? Vous savez au moins ce qui s'est passé ? Nous pouvons dire aujourd'hui, qu'insidieusement, petit à petit, les purges de Staline avec la main maligne du NKVD on fait disparaître près des 2/3 des habitants de cette construction idéale construite pour les membres de l'appareil d'état soviétique. 
Avant la révolution, le pouvoir était installé à Peter (Saint-Petersbourg) mais une fois qu'ils eurent décidé de changer de capitale, il fallu loger tout ce beau monde. L'idéal, pas trop loin du Kremlin et certainement pas dans des appartements communautaires. Il fallait quelque chose de beau, ça aurait dû être recouvert de marbre rose mais le budget avait déjà été multiplié par 3 ou 4. 
- Vous savez Monsieur, les témoignages que l'on a d'enfants ayant vécus ici sont beaux. Il n'y avait pas de voitures, les grandes cours leur permettaient de jouer dehors. Et surtout les magasins implantés au premier (le rez-de-chaussée) et réservés aux habitants évitaient aux mamans de courir trop loin pour s'approvisionner et c'était une tranquillité qui rejaillissait dans le rythme paisible de la vie des plus jeunes. Mais voilà, Staline a pendant des années craint les complots et suspectés ses collaborateurs. et les amis de ses collaborateurs. Et les familles des collaborateurs et des amis des collaborateurs. Toutes les nuits, pendant des années, les voitures noires rentraient dans les cours. Evidemment, les adultes inquiets comme en période de guerre, ne dormaient que d'un œil. On sautait du lit, on écartait légèrement le rideau -vous savez on a pas de volet ici- et on regardait quel appartement s'allumait. Il fallait identifier le plus rapidement possible qui était la nouvelle victime ou tout au moins la nouvelle personne en disgrâce -car quelques-uns en réchappaient- et ensuite détruire les lettres, les photos qui pouvaient prouver une quelconque proximité avec le coupable.
- Mais moi, ou est-ce que j'habitais ? Vous avez des registres ? En 36 j'avais 3 ans. Pouvez-vous chercher Igor Vladimirovitch Viatcheslav ?
Le temps passe. La femme avec qui parlait Igor est passée dans la salle d'à coté. On entend le bruit d'un clavier d'ordinateur. Des voix. Un bruit d'armoire métallique. Elle revient avec un dossier.
- Je suis désolé Monsieur, vous devez faire erreur, votre nom n'est pas ici. Vous veniez certainement voir des amis ou de la famille et votre mémoire d'enfant a mélangé ces souvenirs. 
- Tout cette histoire de l'Histoire m'est assez étrangère, j'étais enfant. J'étais très loin des cauchemars que vous évoquez. Moi je n'ai pas de famille, c'est différent, ça n'a rien à voir. Je recherche simplement mon histoire. Je vous avoue que je n'y pense pas tous les jours, heureusement. Mais votre château là, ce bâtiment... C'était comme une lumière qui s'allume au dessus d'un vieux livre poussiéreux. Je n'ai pas d'autre choix que de souffler la poussière, de déchiffrer, de tourner les pages. C'est ma vie, c'est comme ça. 
- Si vous le souhaitez, je vous laisse exceptionnellement parcourir les centaines de pages de ce dossier. Donnez-moi votre manteau et asseyez-vous ici. Excusez-nous, nous avons très peu de place. Cet espace était l'appartement du concierge dans les années 40 et nous avons pu l'obtenir pour notre musée. Le nouveau gouvernement n'est plus du tout communiste vous savez, on a le droit de parler de ces horreurs du passé.
Igor ne parle plus. Il a les yeux fermés, sa tête dans les mains, les coudes sur la table en bois jaunie par le temps. Il a tourné et retourné toutes les pages pendant plus d'une heure. Il a fini par refermer le dossier. Son nom ne figure nulle part.
- Monsieur Igor, nous allons fermer. Je suis désolé.
- Eléna, as-tu demandé à Monsieur si c'était bien son nom de naissance ? Excusez-moi,  Igor Vladimirovitch, je vous entends parler avec ma collègue et je réfléchis car nous avons eu à travailler sur beaucoup de cas d'enfants qui se sont retrouvés orphelins. Votre histoire n'est peut-être pas du tout étrangère à l'histoire de cet immeuble. Vous pouvez être aussi une victime des purges staliniennes. Les jeunes enfants étaient envoyés dans des orphelinats avec de nouvelles identités. On leur changeait leurs noms pour ne pas faire perdurer le nom des traîtres à la patrie. Enfin c'est comme cela que le régime les classait, les ennemis du peuple. Donc vous étiez peut-être un habitant d'ici. Les hommes, quand ils ne mourraient pas pendant les interrogatoires étaient soient condamnés à la peine capitale, soit envoyés au goulag, en Sibérie. Les femmes des traîtres qui étaient aussi des ennemis du peuple car forcément complices étaient envoyées dans des camps comme celui de Mordavie. Les enfants d'un certain âge étaient envoyés dans des orphelinats pour les ennemis du peuple ; ils gardaient leur nom ceux-là.
- Ou est-ce que se trouve l'école ici ? Je crois que je peux refaire le chemin pour vous dire exactement où j'habitais. 
- Il n'y a pas d'école ici Monsieur
- Elena, sur la maquette, au-dessus, la grande maison, c'était une école. Venez-voir la maquette ! Est-ce que vous reconnaissez quelque chose ?
- Mais bon sang, j'étais gamin,vous croyez que j'avais un вертолёт (virtaliotte, hélicoptère) ? Il faut que j'aille voir sur place, là-bas.
- Nous pourrons vous accompagner demain, nous allons fermer. Venez à 10h, reposez-vous bien, j'espère que nous pourrons vous aider. Ça nous aidera nous aussi, encore une fois, à mieux comprendre l'histoire de notre maison. 

Le lendemain
- Je n'ai pas fermé l’œil, j'ai essayé de dessiner, de tracer un plan. Mais je n'aboutissais qu'à reproduire votre maquette vue hier. Mes souvenir d'enfants ne sont pas assez précis. C'est sur place, j'en suis convaincu, que mes pas vont retrouver la route.
- Regardez-bien la maquette de cet appartement, ça nous fera gagner du temps la-haut. Ça ce sont les chambres, ici le salon. La toute petite pièce, c'est la cuisine. C'était un attribut des vies bourgeoises, inutiles à ces communistes qui ne faisaient que réchauffer les plats de la cantine elle aussi créée à l'intérieur des murs de cette résidence de luxe. Je dis de luxe car à l'époque des appartements communautaires, aucune famille n'avait 140 m² pour elle seule. Et la petite pièce au bout, c'était la porte du vide-ordure ; on déposait son seau et le concierge, par un petit ascenseur privé, venait le vider tous les jours. Cet ascenseur technique a servi aux actions macabres du NKVD pendant les nuits où il procédait à ces terribles arrestations, pour les conduire d'abord à la Loubianka.
Eléna guida Igor jusqu'à l'étage où était l'école en 1936. Ils ont quinze fois descendus les marches et pris l'ascenseur jusqu'à ce qu'Igor 4 fois de suite emprunte le même itinéraire et désigne, catégorique, la porte d'où il sortait pour prendre le chemin de l'école, la porte derrière laquelle il vivait avec son père et sa mère jusqu'à l'âge de 3 ans. Les recherches qui suivirent cette visite lui permirent de retrouver son vrai nom, il apprit les responsabilités politiques de son père, sa disgrâce et son arrestation en septembre. L'interrogatoire conclut qu'il était coupable. Il fut exécuté. Sa mère fut arrêtée deux jours plus tard. Elle a vraisemblablement été déportée, peut-être est-elle décédée. Des milliers d'hommes et de femmes ne revenaient pas vivants du goulag. Aujourd'hui Igor connaît sa vraie identité ; il est déjà décidé à demander le droit de porter le nom de son père. Et maintenant il va compléter ses fouilles dans les registres des goulags pour espérer retrouver les traces de sa mère. Peut-être est-elle encore en vie. Puis il fallu qu'il appelle à la maison, la nouvelle cette fois, qu'il occupe avec sa femme. Mais c'était trop d'un seul coup. Il n'a pas pu articuler un seul son en entendant cette voix si familière. Il est resté la main en l'air, regardant sans les voir, les ombres de le la fin de journée envahir le mur.

Ce récit est inspiré d'une véritable histoire individuelle dans un lieu célèbre et tragique, la maison sur le quai à Moscou. Youri Trifonov, un ancien habitant, a aussi écrit son témoignage "Дом на набережной".

mardi 2 décembre 2014

Sime-nadsite

Sime-nadsite (семнадцать) - dix sept
Sime-nadsite - sine qua non
En rouge au rouge à Moscou - Krass naya plochiade (красная площадь)
Sur la place sur place - au feu au vert à Auvers
Dix-sept à la galerie - c'est à la galerie Pouchkine
Devant Van et derrière Gogh
Aujourd'hui rue Villon cré non de non
A Auvers-sur-Oise si si si (et compagnie)
Si avec ça j'y pense pas 
A Françoise Jéjé Sally
C'est du beau du bon - la chapka à la rigueur
Le 1er décembre c'est l'hiver ici bas
Mais venez venez don, sans passer par le Don
Nous vous y attendons - y a toujours de la betterave rouge dans la supérette à deux pas à deux balles mais pas perdues celles-là
Si on ne fait pas des phrases mais des vers l'hiver
La nature -priroda (природа)- s'impose et pose - justement les flocons ont chu sévodnia (сегодня), ils le savaient.
Epilogue
Si j'avais chu, sur qui je serais tombé malade ? Le médecin l'aurais su, c'était cousu d'avance, de fils blancs. Le fils blanc sans sa mère, dans le sens amer, aurait tiré sa révérence, référence à la rivière, rika (река), c'est aussi le fleuve de ce coté ci de - du - enfin vous voyez.
Epilation
Il faut reconnaître que coté poil, c'est bien tombé. Avec les pintades à Moscou -merci Madeleine- on sait tout de dessous. Et après faut plonger dans la photo ci-dessus en haut. Regardez tranquillement, détendez-vous, laissez filer les secondes. Si vous n'en avez-pas quelques unes de trop, je m'étonne que vous soyez encore ici. Une jeune femme contemple, consentante, la toile de maître Vincent. Image subliminale, une déesse dévêtue traverse ou s'étire à travers la scène. La chaleur des spots est comme celle de l'astre sacré. De surcroît le chauffage municipal redoutable et moscovite et les couleurs de la peinture enflamment la spectatrice. Ses sens sont mis à nus par ces brefs coups de pinceaux tant répétés que non seulement la tête lui tourne mais aussi le corps. Elle a chaud. D'un mouvement souple et rapide, elle enjambe la barrière. Elle est dans le champ. Le soleil n'attend plus que ça, que la belle, en courant, se débarrasse de ses quelques oripeaux pour lui dorer la peau. L'homme a senti la main l'effleurer et il n'a pas eu besoin de mots pour comprendre qu'il n'a d'autre destin que de passer le pas. Les gardiennes, pourtant une dans chaque salle bien souvent, somnolent, leur vigilance assoupie ; elles n'y voient que du feu. Lui aussi est dans le champ sidchass (сейчас). Taugé (тоже). Il se demande s'il cueille quelques fleurs sauvages et ce qu'il doit faire des vêtements épars qu'il est seul à voir. Et il part vers sa charrette plantée sur le chemin. Le paysan qui fauche son champ n'est pas là. Ou alors il ne la voit pas. Mais il est possible que les bras lui en tombent, et que, la bouche entrouverte il contemple la scène en pensant à la vieille à la maison qui ne voudra jamais le croire. Tu as encore abusé de la boisson, ivrogne. Elle, si jeune et venue du japon -comme le désirait le peintre- court, les cheveux au vent. Si ce n'est pas le bonheur, ça lui ressemble. L'homme est maintenant arrivé. Il aurait bien soulevé sa casquette pour éponger son front de sa sueur avec son grand mouchoir à carreaux, mais voilà, il a oublié l'accessoire. Il calme son cheval et l'attend. "Ya jdou gènechina" (я жду женщина) murmure-t-il à l'oreille de son équidé. Elle joue, tend ses bras, à genoux à même la terre, ne faisant plus qu'un avec l'ensemble des dimensions de son univers. Elle finit par se relever, rejoint ce chemin d'Auvers-sur-Oise qui deviendra la rue Villon. Sans poser de question, elle monte, s'assoit à coté de lui. On aurait presque le temps de se faire une toile pense t-il. Leurs mains ne se sont pas encore trouvées mais rien ne presse. Nitchévo (ничего). Rien. Je t'emmène ? Ya yédou vmackvou (я еду в Москву). Je vais à Moscou...

Me relisant et contrôlant à l'affût de fautes ou d'erreurs j'ai découvert le site "Si l'art était conté" qui traite de ce tableau et de plein d'autres. Je vous invite à y faire un tour.