vendredi 23 janvier 2015

Snièk

Enfin la neige est là. La neige. Snièk (снег, et oui le gue à la fin devient que). Enfin après un an et demi passé à Moscou, je peux faire une photo avec cette poudre tombée du ciel. Enfin les flaques d'eau grises sont blanches et duveteuses. Les voitures ont ralenti le temps -et pendant ce temps là seulement, ce qui lui confère toute sa puissance et sa magie- le temps disais-je que les batteries de chasse-neige passent à l'action. En fait, elles sont déjà en plein travail avec leurs sœurs saleuses, balayeuses, sur la route, sur les grands trottoirs. Mais en pleine averse de neige il y a un court instant, une toute petite fenêtre, pendant lequel l'espace est purifié, aplani -et ce n'est pas un mince travail si vous avez déjà lu mes descriptions des chaussées et trottoirs.

Bien sûr, dans une heure le salage aura fait son effet, les voitures roulerons de nouveau à toute vitesse, éclaboussant les passants cette fois d'une boue noirâtre. Sur les trottoirs un peu étroit ou en dehors des sentiers battus -pas battus par la neige, ça ils le sont tous, mais battus par les pelles des émigrés sans relâche- c'est la friche hivernale. Certains endroits, sans qu'une règle précise permettent de les déterminer, sont épargnés par cette effervescence des outils de déneigement. La glace alors se forme, quelques espaces se retrouvent plus tassés que d'autres, ici par le pas d'une ménagère, là par le talon d'un mannequin pressé et toute la vie du trottoir se dessine, toute la vie du trottoir dessine une carte avec ses plaines, ses monts et ses vallées. Une nouvelle légère couche de neige comme l'air drape l'exquise esquisse (salut Gainsbarre !). Et ces desseins sont d'un goût douteux car le pied trébuche, se tord, glisse. L'on bascule du paradis dans l'enfer. Il n'y a pas de loup pourtant mais à pas de loup pourtant. S* va vite, enfin vite c'est facile à dire après coup, ça pour le coup il y a en a eu un de coup. Elle se dépêche mais c'est même pas sûr. Normalna (нормально) dissent les Russes et on comprend bien. C'est comme d'habitude mais c'est en plus un peu la fatalité. Sa botte glisse. Elle ne peut pas retenir son corps qui part en arrière. Ce sont des millions d'histoires qui surgissent le temps de cette dernière seconde arrêtée, en suspension. Il y a un photographe qui fait ça très bien, avec des danseurs habillés en passant, anonymes, ils sautent dans des positions invraisemblables et l'image est saisie très rapidement avec une netteté incroyable et on a l'impression que le personnage vole ou a été collé dans le décors urbain. Mais évidemment je n'ai pas retenu le nom de ce photographe. Je ne retiens aucun nom. 
Mais pourquoi ces chaussures aujourd'hui -se dit-elle dans sa chute-, je n'aurais pas dû passer par là et puis si j'avais simplement attendu qu'il arrive.... Mais le temps l'a rattrapé et ce qui devait arrivé est arrivé. En fait ça ne devait pas du tout arriver mais c'est arrivé car à certains endroits très passants on attend -à Moscou- plusieurs jours avant de venir casser la glace qui forme de petits monticules. A quelques pas seulement d'un magasin ou d'un arrêt de tramway. Et S* est partie en arrière. Sa tête a frappé le sol, à quel endroit ? C'est difficile à dire. Elle a perdu l'équilibre et cet équilibre elle ne sait pas quand elle le retrouvera. Déjà ces yeux se rouvrent après un temps d'absence qui semble infini pour le passant témoin de la scène. Et une fois ces yeux ouverts, elle constate sans tout de suite paniquer tellement c'est incroyable et contre nature, elle constate que sont corps ne répond plus. Je voudrais lever mon bras et il ne se lève pas. Mais comment je fais d'habitude pour demander à mon bras de se lever ? En quelle langue faut-il lui parler ? Mais on m'a jamais expliqué ! Je dors ou pas ? Non je suis réveillée, je viens de tomber, j'ai mal et rien ne bouge. Je suis paralysée !? Complètement paralysée ? Le temps de constater l'horreur de la situation, la mécanique est repartie, cette chute (bien réelle à Moscou en ce mois de janvier 2015 que S* n'est pas prête d'oublier) est déjà au passé, et je remarche lentement aidé par ce passant prévenant. 

Les jours qui suivent : redoux. Plein de flotte, de flaques. Et ça regèle. Notre cour que personne n'entretient est couverte de névés, de plaques de glace et de flaques profondes. En apparence sur certains territoires les services de déneigement sont extraordinaires. Mais à d'autres, quand les Russes entre eux doivent décider qui s'occupe de quoi, quand ce n'est pas chez l'un d'eux précisément, que ce soit une cour ou une cage d'escalier, c'est nul, le néant, l'irresponsabilité criante.
Mais enfin la neige est là, tellement là qu'on ne plus patiner sur l'étang. Et les gels successifs interrompus par les fontes ont provoqués des plissements, de véritables vaguelettes sur la surface d'eau. Comment va-t-on repatiner ? Il y a bien le chasse neige qui roule maintenant sur cet espace de loisir mais ça ne va pas niveler la glace ! Heureusement il y a Pierre. Le week-end enneigé entre deux périodes de fonte, ils nous a entraîné sans traîneau mais avec les skis de fond, dans la forêt du parc Izmaélovo. Le régal. Le pied. Le ski. Impec le pack Décathlon ski+chaussures+bâtons+housse à 50 euros, génial ! Ski et chaussures fabriqués en Russie s'il vous plaît. Mais depuis ça n'a pas assez reneigé. Là on ne peux ni faire du ski ni du patin. Ou alors faut payer une des grandes patinoires qui sont refroidies artificiellement et entretenues plusieurs fois par jour. C'est vrai finalement que la vie à Moscou n'est pas facile mais pas facile du tout !

mercredi 14 janvier 2015

S novim godom 2015


Je te souhaite lecteur une bonne et heureuse année 2015. Qu'une partie de tes rêves se réalise ! Il faut bien en garder sous le coude pour la suite. Éventuellement pour en donner aux autres car nombreux sont ceux que la spirale économique laisse à l'écart ou indifférent et qui recherchent du sens ailleurs. Savourons ce retour d'une France qui pense, le crayon en l'air en guise d'étendard alors que l'on prophétise déjà la fin de l'écriture manuscrite. Le neuvième art devient le symbole de la liberté dans sa forme satirique. Dessinez sans fin pour que la pensée unique n'engendre jamais le dessin unique ! Continuons de rire de nous et de nos idéaux !
Tous les Russes ont les yeux rivés sur les gigantesques manifestations qui se sont déroulées en France. N'est-ce pas la Déclaration universelle des droits de l'homme que chacun aspire à voir renaître de ces cendres -celles de Charlie ?