mardi 31 mars 2015

монастырь



Le soleil est déjà passé de l'autre coté de la montagne, les ombres s'allongent. Ça va être impossible d'avoir des photos avec un beau ciel bleu et des détails des habitations en même temps ! C'était pourtant une journée ensoleillée quoique fraîche. Quelques photos tout de même et en route -je devrais dire en sentier- car on a prévu de faire le tour à pied du propriétaire en passant par l'Azerbaïdjan qui est juste de l'autre coté de la crête. Et il y a aussi des surprises sur l'autre versant. 
Bon, on y va ou pas ? Incroyable ! Une partie des logements est totalement invisible depuis le bas de la montagne. A coté ont été construits des murs, une grande maison à cheval sur un énorme rocher, des tours, un rempart et juste au dessus, une tour de guet carrée que l'on devine de loin car sa silhouette géométrique contraste avec la forme de la montagne. A l'intérieur de cet ensemble, il y a une église. C'est la seule partie que l'on visite car le reste est habité par des moines. Et oui, il s'agit d'un monastère et d'un monastère en activité. Et des croyants viennent jusqu'ici pour assister à certaines messes. C'est un point commun avec la Russie, la religion -orthodoxe également même si la Géorgie a sa propre église et son patriarche- a le vent en poupe et les jeunes sont souvent pratiquants. Ce site, le monastère de David Gareja (j'oubliais que vous ne lisiez pas le géorgien), date du VIème siècle. L'ensemble est très bien restauré. Une vrai petite ville. Il a abrité 7000 moines (à moins que ce ne soit que 600 d'après notre guide, ce qui me parait plus vraisemblable compte tenu du site) qui furent tous tués pas l'envahisseur iranien en 1615. Ce site avait été pillé auparavant, au XIVème siècle par Tamerlan ; Tamerlan, vous vous souvenez, nous l'avions rencontré en Ouzbékistan (voir les articles sur ce voyage) ? L'Ouzbékistan se trouve juste de l'autre coté de la mer Caspienne.
La montée est raide et possible sans chaussure particulières car le sol, bien qu'en terre, est sec aujourd'hui. Il n'y a pas de la roche partout. Le vent est de plus en plus violent à mesure que nous approchons de la crête. Nous enjambons une barre de fer qui suit le tracé de la frontière à 70 cm du sol. Mon opérateur telecom m'envoie un SMS : je suis en Azerbaïdjan. Il y a quelques temps de cela, les visiteurs avaient la surprise de rencontrer un douanier azerbaïdjanais au sommet quand ils faisaient ce parcours. Aujourd'hui personne. J'aperçois le toit d'une maison en contrebas mais je ne m'avise pas d'aller voir si elle est habitée. Je continue rapidement, en contournant le sommet, sinon je risque de littéralement m'envoler. La vue est dégagée depuis l'autre versant mais ce n'est pas extraordinaire, il n'y a presque plus de soleil, le relief est de moyenne montagne et semi-désertique.
En longeant la roche d'aspect assez quelconque, nous constatons des renfoncements. Ici il n'y a personne, on est perdu en haut de la montagne. Mais... nous arrivons dans une église troglodytique ! La pente est raide, aucune habitation n'est construite ou creusée à coté sur ce versant. Une église secrète ? Les surprises ne sont pas terminées ! En redescendant de l'autre coté de ce versant, sur celui du site principal; le géorgien, on tombe sur un énorme rocher sorti directement d'un film de sciences fiction. Ce qui permet de se rappeler que l'on invente beaucoup moins de choses que l'on croit. La roche est creusée d'un escalier, de chambres et d'un système de récupération d'eau !

La boucle est bouclée, on a fait le tour du site, il faut reprendre la voiture pour rentrer. Le chemin choisi s'avère être un réseau de pistes crevassées et il faut jongler en permanence pour rouler sur la plus praticable. Le retour fut long, très long, dans la nuit. On finit par rejoindre une caserne -on ne s'arrête pas- puis apercevoir les lumières de la ville. Une petite khatchapouri et au lit.

Un autre jour ou peut-être le même, dans la matinée
Nous roulons dans les vignes, la journée est ensoleillée. La côte n'est ni d'or ni verte car les feuilles font encore défaut aux cèpes. Nous sommes dans la région de Kakhétie. J'ai vraiment l'impression d'être chez moi, entre Beaune et Dijon, le long de cette côte vinicole qui a donné son nom à son département français et qui abrite les plus grands crus du monde, ceci dit en toute objectivité (il s'agit de la Côte d'Or vous aviez deviné). Nous nous arrêtons devant un parc de Tsinandali, dans lequel nous rentrons. De grands arbres, un beau jardin d'ornement dans lequel s'affairent plusieurs jardiniers ; plusieurs gardiens à l'entrée tout de même avec quelques chiens de petite taille en liberté qui viennent nous renifler en toute sympathie. Les chiens sont un souvenir attachant de la Géorgie ; il y en a partout en liberté sans qu'ils soient agressifs ou collants. Ils viennent dire bonjour et s'en vont. 
Ce parc géorgien est un domaine avec sa magnifique maison de maître. Son propriétaire, le prince Alexandre Tchatchavadze, poète et homme politique, y a reçu Lermontov, Pouchkine, Alexandre Dumas. Son père était ambassadeur sous Catherine II. Il a importé de France la technique du vin en bouteille. Traditionnellement en Géorgie, ce petit pays où a été découvert la cave la plus vieille du monde, le vin est conservé dans des jarres. Les jarres sont en terre et son enfouies dans le sol, à la verticale, avec l'ouverture au ras du sol. Ainsi il est facile d’accéder au précieux breuvage et sa température est constante, assurant les bonnes conditions de vieillissement. En France, on place les tonneaux ou les bouteilles dans des caves sous terre pour les mêmes raisons. Pas plus tard qu'hier (avant-hier maintenant), à l'occasion de l'anniversaire de ma tendre et chère, nous avons bu un vin rouge géorgien "Mukuzani" 2007 ; et bien, bonne pioche ! Il était tellement bon, qu'on aurait dit un Bourgogne. Ашан, 663 roubles, beaucoup moins cher qu'un vin français équivalent importé à Moscou. Attention à ne pas confondre les vins secs et légèrement sucrés, en France nous ne sommes pas habitués à ce dernier type de vin rouge. Donc assurez-vous que l'étiquette précise "сухое" si vous êtes en Russie.
La fille de Tchavtchavadze a épousé le poète russe Griboedov dont la grande sculpture orne le parc Tchistié Proudi, à quelques pas de la maison, de la notre de maison. Celle de Tchatchavadze, de maison, est aujourd'hui un musée avec un ensemble de meubles, tapis, tableaux d'époque et plusieurs pianos. Les photos à l'intérieur sont interdites. Faites un effort d'imagination. Une grande terrasse donne sur le parc. On nous propose une dégustation de Tsinandali dans la cave, du vin en jarre et en bouteille. La plupart des français avec qui l'on a évoqué ce vin traditionnel, de jarre, ont fait la grimace. Et bien, il n'y a pas de quoi. Celui qui me déplaît c'est plutôt le gros rouge, ce vin de mauvaise qualité que l'on produit d'autant plus facilement qu'il fait chaud car les degrés le rendent encore plus assommant ; c'est un produit facile à trouver en France dès que l'on veut absolument acheter à bas prix. Mais le vin de jarre, au contraire, il est très doux. Moins parfumé que son grand frère en bouteille mais très désaltérant, facile à boire, on croirait qu'il est coupé avec de l'eau. C'est vrai, j'y pense, nous n'en avons vu que du blanc donc je peux difficilement comparer avec du mauvais rouge. Mea culpa. Nous étions en plein milieu de matinée pour goûter ces vins et je n'ai pas pu avaler grand chose ; il n'y avait même pas un petit morceau de fromage pour nous aider. On ne nous a pas non plus fait boire dans la corne traditionnelle, corne sans pied qui oblige à finir son "verre" une fois rempli. Ça met vite de l'ambiance dans les soirées. Mais heureusement il y a le Tamada !

A très bientôt.
Remarquez que l'album photo Géorgie a été initialisé (dans la liste des albums sur la droite si vous êtes sur un ordinateur, l'affichage est simplifié pour les tablettes et autres smartphones), il va s'enrichir au cours des semaines à venir.

mardi 24 mars 2015

Grouzia

Grouzia ce n'est pas Grozny, Grouzia c'est la Géorgie (en russe) et Grozny c'est la Tchétchénie, la Fédération de Russie donc. Je ne vais pas dire "aucun rapport" car ce sont des républiques voisines. Voisins qui étaient tous deux frères dans le cadre de la grande Union Socialiste Soviétique. Ça laisse des traces évidemment. Profitez-en pour actualiser vos connaissance sur la situation de la Tchétchénie avec ce formidable documentaire : Une guerre sans trace.
La Géorgie est très différente de la Russie de Moscou, Saint-Pétersbourg sans parler de la Bouriatie pour ne parler que des découvertes présentées dans ce blog. Il faudrait peut-être connaître les provinces ou républiques russes du nord du Caucase -justement- pour découvrir des similitudes plus profondes. Dans le quotidien, on retrouve la langue russe puisqu'elle était enseignée en Géorgie jusqu'à l'arrachement à l'URSS en 1991. Aujourd'hui elle est facultative à l'école. Donc dans 20 ans, les liens ne seront plus du tout les mêmes, les Russes devront parler anglais. En espérant que l'armée rouge accepte cet état de fait. Dans le quotidien on retrouve aussi l'art de la table mais ça c'est français car à Moscou on mange comme les Américains, n'importe comment, à n'importe quelle heure et rapidement. A table, on m'a proposé de la vodka ; elle était très parfumée, à mille lieues de celle de Russie car il s'agissait de vodka de raisin, à comparer à de l'eau de vie de fruits, au Marc de Bourgogne. Elle était pourtant incolore. On trouve aussi de la vodka de raisin à Moscou qui est légèrement brune et plus parfumée mais ce n'est pas celle qui est la plus consommée. Et du pain. Le Géorgien ne peut pas manger sans pain. Ça me rappelle quelqu'un. Pour le vin lui-même on en reparlera plus tard.
La culture géorgienne est très ancienne, en témoigne cette langue incroyable très utilisée. Tout est écrit en géorgien mais ils ont eu l'ouverture d'esprit de doubler tous les affichages par de l'alphabet latin, en langue anglaise. L'écriture est déboussolante mais la prononciation est bien pire. Imaginez : notre guide géorgienne nous confia que les langues russe et française étaient simples ! C'est un peu le grand écart quand on vient de Moscou où, quand vous trouvez un menu en anglais dans un restaurant, vous constatez la plupart du temps que le serveur n'est pas en mesure de prendre la commande à partir de ce support.

Les Géorgiens ont été dominés, écrasés par l'empire ottoman ou les Perses, envahis par les Russes (certes après un traité d'alliance) mais ils ont su replanter les vignes et sauver leur langue. Les indépendantistes n'ont pas eu non plus la vie facile au XXème siècle sous Staline qui connaissait particulièrement la région puisqu'il y était né. Et cette culture est toujours là, bien vivante, riche de son histoire.
En haut de la colline de Tbilissi, une immense statue de femme recouverte de métal argenté tient un glaive d'une main -pour accueillir son ennemi comme il se doit- et une coupe de vin dans l'autre main -pour recevoir son ami. Et pour achever la description de la capitale, un des monts qui la compose est dominé par une gigantesque antenne de télévision, au pied de laquelle s'étend un parc de loisir bétonné, délaissé à cause de ses prix devenus disproportionnés par rapport aux revenus moyens des habitants (vous pouvez voir un panorama de Tbilissi dans l'article précédent).
Si l'on va jusqu'au parlement, on passe par თავისუფლების მოედანი, place sur laquelle se trouve le monument de la liberté, Saint Georges terrassant le dragon. C'est également le symbole qui orne les armes de la ville de Moscou et qui est au centre des armoiries de la Russie. Décidément. Fait de mythologie qui remonte à la Mésopotamie antique, avant Jésus Christ. Mais assez parlé, prenons la voiture.
On roule vers l'est, en direction de l’Azerbaïdjan. Ici, en Géorgie orientale, le climat est continental et méditerranéen excepté en altitude où il devient alpin. Le relief est toujours présent ; quand on ne voit pas de somment enneigé, il y a de la moyenne montagne ou des collines. Autant vous dire que c'est un territoire parfait pour l'industrie hydroélectrique. Du pétrole, il y en aussi, comme à Bakou, le pays voisin. Des prospections sont en cours, avec l'aide de sociétés étrangères. Donc nous roulons. Les vignes s'étalent sur les coteaux ensoleillés. Ouvrez les fenêtres de la voiture, fermez les yeux. Vous entendez le bruit du vent dans les feuilles et sentez les odeurs des pêchers et des abricotiers couverts de fruits, qui bordent le bord des routes. Et vous pouvez vous arrêter pour cueillir des fruits. Donc nous nous arrêtons. On ouvre les yeux. Déjà, nous n'avions pas ouvert les fenêtres car ce début de printemps est frais, ensuite nous n'avons pas entendu le bruit des feuilles car elles n'ont pas encore poussé et quant aux fruits, on peut juste espérer en trouver séchés, sur les marchés. On ne peut pas toujours partir en vacances les mois d'été !
Quelle bonne idée d'avoir gardé le M de métro !
Je referme les yeux, je déglutis et sens le jus parfumé de la pêche couler dans la gorge [d'Annie - ça c'est pour la chanson] et imprégner mes papilles. Elle est au paradis [encore la même chanson "Annie aime les sucettes à l'anis" de notre cher Gainsbarre].
Nous roulons encore. Et là, soudainement, nous changeons de pays. Il n'y a pas de frontière, non. Les arbres se sont arrêtés, toute la végétation a décidé de ne pas aller plus loin. Les collines se succèdent et elles ne sont plus recouvertes que par un minuscule tapis herbeux. Le paysage est devenu désertique J'adore. Il n'y a pas rien, il y a tout. Tout, moins le superflu. Les seuls hommes qui vivent ici ont tout en eux, ils ont la foi. Ils vivent dans une très vieille cité troglodyte à une heure de route. Mais avant d'arriver jusqu'à ces chambres creusées dans la montagne, nous avons un autre rendez-vous avec l'Union Soviétique.
Dans ce semi-désert qui est presque une steppe, surgit une ville. Aujourd'hui sans eau, sans habitant, ou presque. Hier, le régime soviétique avait édifié cette cité pour montrer que rien ne lui était impossible. Un modèle que l'on présentait aux visiteurs. L'eau alimentait le village et irriguait des cultures. Aujourd'hui, on croirait un décors de cinéma. Un homme, il y a peu, y a ouvert parait-il un café, nous n'avons pas eu le temps de faire halte. Sur la petite route principale qui traverse Udabno (ça sonne tellement russe ; il y a bien удобно mais l'accent est sur le premier "o" donc ça se prononce oudobna qui veut dire confortablement mais j'ai lu sur un blog anglophone que ça signifierait désert en fait), quand on parvient à éviter les énormes trous dans la chaussée, l'on peut voir une petite maison blanche avec une porte ouverte. Nous n'avons pas vu une âme mais c'était là. L'après-midi est déjà bien avancé et non seulement il est prévu de monter voir les troglodytes mais surtout il va falloir rentrer dormir à Tbilissi par cette route avec la nuit. Avec la seule lumière des phares, il va falloir rouler au pas pour éviter les trous desquels notre véhicule ne saurait sortir.On n'est pas couché. Mais je ne dis rien, je ne vais pas faire le rabat-joie. 
Ouf le goudron s'arrête, ce ne sera pas plus mal sur de la piste. Quoique... Au moins la chaussée ne s'affaissera pas brutalement suite à des ravinements trop violents. Là, c'est toute la piste qui est marquée et déformée par les ruissellements. C'est plus visible et le chauffeur peut anticiper. C'est déjà ça. Je vous conseille le 4x4 si vous avez le choix. Une piste continue sur la droite, nous, nous prenons à gauche. Le chauffeur se retourne pour regarder les rares panneaux de signalisation. A-t-il déjà décidé que nous n'allions pas faire le même chemin dans l'autre sens ? A ce moment là du voyage, je n'ai pas du tout subodoré que c'était ce à quoi il pensait. Ah ! Nous voilà arrivés. 
Waou ! (à suivre).

lundi 9 mars 2015

Georgia on my mind

Dimanche
Par le hublot de l'avion, après moins de trois heures de vol depuis Moscou, la campagne s'étale sous nos yeux ébahis et l'appareil se pose. Normalna (нормально). Mais depuis la capitale de la Fédération de Russie, si bruyante, si grise et tellement agitée, ces maisons, ces champs, ces arbres, si simples, si normalna, c'est comme la paix qui soudain s'abat sur nous. Et quand on vient de l'empire de la propagande, c'est réellement savoureux. On se sent chez sois, quand on est Français en tous cas ; en étant originaire d'un autre pays je ne sais pas, je n'ai pas essayé.

L'aéroport est petit, L'avion n'était pas plein, nous sommes une vingtaine à attendre les bagages après le contrôle des passeports. Les douaniers ne nous regardent même pas passer. Tout est écrit en géorgien, c'est comme du chinois mais bien plus dépaysant car nous ne sommes jamais, à Moscou comme à Paris, confronté à cet alphabet. Ici par contre, on trouve sur les panneaux d'information, un sous-titrage en anglais (ce qui permet de savourer la beauté de l'écriture sans s'affoler). Peu de voitures sur le parking de l'aéroport. Il est 18h30, l'obscurité s'étale mettant en lumière ces grandes affiches publicitaires éclairées et recouvertes de ces nouveaux hiéroglyphes. Etant très sensible à la calligraphie, j'ai déjà identifié un certain nombre de signes sur le magazine de la compagnie aérienne. Daphné, elle, sait déjà écrire Tbilissi (თბილისი).




J'ai le sourire aux lèvres en prenant place dans le Mercedes 7 places qui nous accompagnera toute la semaine ; la vue des collines, de la rivière traversant le centre ville, la juxtaposition des monuments de toute évidence anciens et des bâtiments très design utilisant les matériaux les plus contemporains, achève de me mettre parfaitement à l'aise. Cette première impression se trouve vite confortée par la gentillesse de notre chauffeur anglophone, Karha, et de notre guide francophone, Lili, rencontrée le lendemain. Notre premier hôtel est impeccable, l’hôtesse d'accueil est anglophone aussi, impeccable ! La qualité de la finition de la salle de bain et de la chambre est extra, la modernité en bien là. Robinetterie Grohe, s'il vous plaît !

Nous aurons l'occasion de traverser, dès le lendemain, des quartiers non encore rénovés et de voir quelques mendiants véritablement miséreux. La modernité est récente et l'ère de libéralisation post-soviétique n'a pas encore trouvé son équilibre. Nous partons à la recherche d'un premier restaurant géorgien. C'est une cuisine très répondue dans Moscou et c'est déjà, de l'avis de tous, à tomber par terre alors ici, sur la terre même de la Géorgie, je ne sais comment qualifier la cuisine qui va -je peux déjà vous le dire- dépasser nos attentes.

Nous trouvons rapidement une rue piétonne avec un nom français. Nous voyons quelques drapeaux ukrainiens. La folie dominatrice de Poutine ne peut que rapprocher ces 2 cultures riches, pleines de poésie et de savoir-vivre. Et, à mon grand étonnement, les liens avec la France sont anciens et profonds. Et, je vous le donne en mille, nous atterrissons pour ce premier dîner sur une place nommée Maïdan (ce n'est que le lendemain que j'apprendrai son nom) ! Un premier restau en sous-sol désert nous fait faire demi-tour et nous arrivons au premier étage d'une espèce de brasserie conviviale, bruyante de monde avec une carte très fournie en photographies (çа aide pour choisir). Nous bavons comme des bêtes affamées. Et comme toujours dans les restau géorgiens, nous commandons ceci et cela et avons toutes les peines du monde à tout manger. Ce sera donc encore une fois sans dessert. Sans regret, nous apprendrons que ce n'est pas leur spécialité, ils terminent généralement le repas par un fruit. Bonne nuit.

Lundi
Nous visitons une église derrière la statue du roi fondateur sur son cheval, dominant la vallée, puis la forteresse Naricala du IVème siècle, elle aussi surplombant la rivière mais sur l'autre rive. La vue sur la ville est dégagée. D'un coté, de belles maisons accrochées en haut de la falaise dominent le cours d'eau. Un pont de verre ondule jouant de ses reflets verts avec les eaux parties de Turquie pour la mer Caspienne à travers la Géorgie et l'Azerbaïdjan. Dans le fond de la vallée, de gros chapeaux de champignons blancs de tailles et hauteurs diverses recouvrent un bâtiment moderne en verre à vocation administrative. Non loin de là, deux énormes tubes métalliques légèrement coniques, dont l'extrémité de chacun est fermée par un opercule géant en verre, s'étalent au pied de le rivière. L'ancien gouvernement avait entrepris la construction de ce qui devait être une salle de concert mais le projet futuriste très onéreux a déplu à la nouvelle équipe et le projet est stoppé. C'est vrai que dans le centre de Tbilissi il y a déjà une grande mixité architecturale avec des bâtiments construits sur une période de plus de 1500 ans, de la forteresse au parlement soviétique. De l'autre coté, une église récente à trouvé sa place dans les ruines de l'ancestrale forteresse avec à ses cotés l'arrivée d'un téléphérique digne d'une station de sports d'hiver ; à l'horizon, sur le même versant, au delà des zones habitées, une immense bâtisse en verre, sur la crête, avec un héliport sur un des toits. C'est la résidence de l'ancien premier ministre. C'est toujours ça qui n'est pas en Suisse me direz-vous. Mais coté corruption, il n'y a plus de contrôles de police sur les routes, contrôles qui donnaient lieu à des tractations financières occultes. Toutes les amendes se payent désormais dans les bureaux de l'administration et c'est un grand soulagement pour tous. 

Tout près de la rivière, des bains en pierre surmontés de plusieurs dômes ont été construits sur des sources d'eau chaude sulfureuse. A coté on y trouve aussi des bains turcs (en travaux, nous sommes encore hors saison). Et on peut lire sur les maisons voisines les signatures d'Alexandre Dumas, qui a aussi donné son nom au lycée français de Moscou, et de Pouchkine dont j'ai déjà dit qu'il fréquentait une certaine bania moscovite célèbre, dans un article précédent. Il est étonnant d'apprendre que le pouvoir russe exilait certains intellectuels dans cette région pensant les confronter à des sauvages alors qu'ils pouvaient y trouver une communauté francophone raffinée. Une mosquée se trouve quelques mètres plus haut, sur la colline dominant les bains, avec une grande salle de prière vitrée, sans rideaux, dont on peut donc voir l'intérieur. Vous me direz que c'est le propre d'une vitre ; mais je vous répondrai que pour un lien de culte, je n'avais jamais vu ça. C'était bon ! Si bon cette transparence en ces temps de fanatisme, si bon de sentir une ouverture, un accueil, une liberté. Une grande tolérance domine en Géorgie, tout comme en Ouzbékistan d'ailleurs (voir les articles sur ce pays).

Ces sources sulfureuses sont à l'origine de la création de la ville. Elles sont au pieds de la forteresse qui est donc au dessus de la mosquée si vous avez suivi. Dans l'autre cas, elle s'y trouve aussi d'ailleurs. C'est un quartier principalement azerbaïdjanais qui a été refait avec goût. Une tradition ici, que l'on retrouve sur beaucoup de bâtiment, est de construire des balcons fermés en surplomb. Il y a 1700 ans, le roi Vakhtang chassait quand il rattrapa son rapace qui venait de "serrer" un faisan ; et quelle ne fut pas sa surprise de les retrouver dans cette eau chaude régénératrice ! Tbilissi fut donc créée à cet endroit. C'est un peu le même genre de légende que la création de Moscou : lors d'une chasse, la poursuite d'un énorme sanglier est interrompue par l'intervention d'un immense oiseau à deux têtes qui saisi la bête et la dépose sur le sommet de la colline qui surplombe la Moskova ; c'était évidemment un signe divin et le Boyard organisateur de cette chasse décida d'y bâtir ce qui deviendra la capitale de la Russie.

Puis le centre ville de Tbilissi nous offre quelques rues piétonnes très bien restaurées avec tout une série de cafés-restaurants. Un magasin de bijoux présente des émaux cloisonnés, un art local au fil d'or. Un théâtre contemporain avec son restaurant et son allure bancale et artisanale maîtrisée et très esthétique nous fait de l’œil. Il n'y a pas de date de spectacle et les prix des mets sont excessifs. Nous passons.
Cliquer sur l'image pour afficher le panorama à 360° de Tbilissi en haute définition (désactiver l'amélioration automatique dans le menu Plus)
A suivre.