mardi 6 mai 2014

Road movie ouzbek

Ouzbékistan - mai 2014
Il fait chaud. Nous roulons vers Nourata, en direction de Samarcande après avoir quitté Boukhara. Nous croisons régulièrement des vélos à contre sens sur la chaussée défoncée. Beaucoup de femmes, par petits groupes, marchent sur le bas coté. Il y a quelques arrêts de bus mais elles peuvent attendre qu'une voiture ou un des multiples minibus s'arrête. Un calme et une sérénité transpirent de tous ces mouvements bien qu'il n'y ait aucune direction ou numéro sur ces minibus, que la température atteigne 30 degrés à l'ombre et que les distances parcourues à pieds soient longues.
Normalna disent les Russes. Les gens sont souriants, curieux. La population est musulmane dans sa très grande majorité mais je n'ai noté aucun regard hostile vis à vis des shorts ou débardeurs. Les hommes ne portent pas la barbe. Les cheveux blonds et bouclés de Garance attirent les regards et les photographes. Les plus intrépides viennent poser à coté de nous.
Il y a dix ans déjà, dans Tombouctou, sur un autre continent, des enfants venaient toucher la chevelure de Garance et s'enfuyaient en courant, pieds nus, dans la ville de terre et de sable.
A l'époque où les caravanes de chameaux assuraient le transport entre la Chine et l'Europe sur cette fameuse route de la soie, le sable se glissait aussi au delà des remparts de la ville de Boukhara, au pied même de la forteresse, des caravansérails, des médersas, des mosquées.
Avant qu'une synagogue ne soit construite, une mosquée de Boukhara libérait un jour par semaine sa salle de prière pour que les juifs pratiquent leur culte.
L'Ouzbékistan est un pays laïc et, comme en France, les employés prennent sur leur pose déjeuner pour, le vendredi, aller prier à la mosquée. L'occupation soviétique du temps de Staline a entraîné la déportation de la famille du premier président du pays mais a libéré les femmes du voile intégral imposé par la tradition.
Le stalinisme a provoqué aussi la déportation de nombreux Coréens en Ouzbékistan. Il y a aujourd'hui une importante communauté coréenne et des liens économiques privilégiés avec la Corée du Sud. D'ailleurs deux marques seulement se partagent le marché de l'automobile : Daewoo (coréen) et Chevrolet (des petits modèles). Plus quelques Ladas.
La route est maintenant à quatre voies, les véhicules roulent aussi vite que la chaussée le permet ; on voit quelques personnes à pieds ou à vélo de chaque coté et au milieu, le long des blocs de béton délimitant les 2 sens de circulation. La lenteur avec laquelle les piétons traversent cette véritable autoroute fait peur. Sans compter que personne ne s'attache en voiture et qu'il n'y a pas forcément de ceintures à l'arrière. Parfois un homme attend, seul, au milieu, un petit sac à ses pieds sans faire attention à la circulation. Etrange. Parfois une voiture s'arrête sans prendre la peine de se mettre sur le bas coté, dans sa file, sur la route, pour laisser monter ou descendre un passager. Je n'ai pas vu d'accident. Un miracle.
Nous traversons régulièrement des villages, très étendus, entourés de vergers et de champs irrigués. Partout où la steppe et le sable sont absents, l'on voit des tuyaux d'eau plus ou moins gros le long des cultures. Quelques ânes aussi tirant de petites carioles.
Sur le marché, nous avons découverts -c'est utile d'avoir un guide parlant ouzbek- les noyaux d'abricots grillés. Délicieux. вкусный! Ca ressemble aux pistaches salées ; on enlève l'enveloppe pour manger l'amande et ainsi sans fin car il est impossible de s'arrêter.
Nous apercevons des troupeaux de moutons noirs. Nous sommes au pays de l'astrakan. Cette laine est d'une douceur remarquable. On trouve, chez les marchands, de nombreuses toques ou casquettes dans cette matière, à coté des tapis et foulards en soie dont les Chinois ne sont plus les seuls détenteurs du secret de fabrication.
A cette douceur s'oppose le climat ; -20° l'hiver, plus de 45° l'été. L'effet du vent glacial de Sibérie s'est accentué avec la réduction de la mer d'Aral, victime de l'Industrialisation de la culture du coton mise en place à l'époque soviétique.
On voit peu de tracteurs mais plutôt des hommes et des femmes, la bêche à la main. Le soleil tape, жарко. Des femmes avec des ombrelles. C'est beau.
Et des fours à pain au bord des routes : une cloche faite de terre d'un mètre de haut avec une ouverture circulaire au sommet. On jette les végétaux séchés par l'orifice et quand il n'y a plus de flammes, le boulanger dépose sur la paroi verticale intérieure, uniquement muni d'un grand gant en peau, les galettes rondes piquées avec une sorte de peigne métallique rond qui dessine des fleurs sur la pâte. Avant d'être ainsi placée dans le four, la pâte est humidifiée et les pains se collent littéralement à la verticale.
Et comme toujours quand il est tout chaud, le pain est encore meilleur. Avec cela, vous pouvez manger des crudités, soupes, viandes grillées. Ca change de Moscou, il y a de la très bonne viande ici et en particulier du mouton que j'adore.
Nous nous rapprochons de Samarcande et apercevons les montagnes qui courent vers l'Afghanistan. Des bergers dans le désert où il semble n'y avoir ni ombre ni eau. Des touffes d'herbes plus ou moins vertes recouvrent la steppe à l'infini...
Deux fils électriques supportés par des poteaux de bois longent la route toujours goudronnée. Un berger assis sur un âne dévale une colline derrière son troupeau d'ovins. Les collines sont de plus en plus hautes, la route serpente maintenant (сейчас). "12%" signale un panneau. Un col. On redescend. La végétation est toujours minimale. J'aperçois une grande tache d'un vert intense.  Une ville, un oasis. Ce n'est pas encore Nourata. Le chauffeur ne marque pas même un ralentissement. Ce sera 3 heures de route au lieu de 2, il est 11 heures, les véhicules ouzbeks ne sont pas climatisés. Ça secoue et c'est bruyant vitres ouvertes. Même pas envie de boire malgré la gorge sèche. On fait la pause à la fontaine miraculeuse, aux pieds de la forteresse d'Alexandre le Grand. La guide anglophone est en retard, on commence par le repas chez l'habitant. Plaisir d'une cour intérieure ombragée et d'une assiette de crudités (avant une soupe et un riz pilaf à la viande dont les ouzbeks sont les rois).
La route a repris, direction le camp de yourtes et ses chameaux, cachés dans la steppe verte et valonée.
Vision cinématographique d'un troupeau de chevaux sauvages au galop sur la crête d'une colline. Sur plusieurs kilomètres des tortues traversent, à leur vitesse, la chaussée. Elles profitent de la réserve de nourriture que constituent les petits animaux écrasés, au risque d'en faire partie.
En route pour Samarcande, les yourtes avaient été bien chauffées par le soleil, il n'y a pas eu l'ombre d'une petite fraicheur pour perturber la nuit.
Nous longeons des massifs montagneux, nous croisons de grands troupeaux de moutons noirs. L'herbe est rase mais bien verte. De grands troupeaux de bovins aussi. Difficile d'écrire, ça saute en permanence. Impossible de relire certains passages. Un petit nuage d'étourneaux. Aucun arbre en vue devant nous. Un berger somnole allongé dans l'ombre d'un rare et grand panneau d'information en bord de route. Une silhouette de deux hommes assis l'un contre l'autre, sur un âne. Un village avec plein d'arbres !
Par contre ici, plus de système d'irrigation ni de champs cultivés. Les bêtes vont sur ces grands espaces sans clôtures.
Le chauffeur donne de grands coups de volant pour éviter les trous que l'on ne voit qu'au dernier moment. Nous croisons des enfants, avec leur cartable, marchant le long des routes pour aller à l'école. Ils sont toujours bien habillés même si nous sommes à la campagne ; les filles en jupe, les garçons en chemise blanche, toujours heureux de nous saluer.
De nouveau les champs et les vergers agrémentés du chant de nombreux oiseaux. Très grand soleil, faut-il le préciser ? Plusieurs lits de rivières ou torrents à sec coupent la route ; la chaussée goudronnée a été emportée, nous passons au pas, sur la terre et les cailloux.
Parfois un âne seul sur le bord, attaché avec une corde ; ou pas.

Envoyé depuis mon mobile Samsung

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Faites moi rêver !!!!
Merci pour tous ces commentaires qui nous apprennent plein de choses et nous transportent loin de notre quotidien le temps de la lecture...Je sens les cahots de la route et découvre les surprises de l'aventure !!!

Bises à tous et....Bonne Route !

Anne E.

Anonyme a dit…

Merci pour ce voyage par procuration ! Comme je vous envie, depuis mon canapé, par ce jour de pluie et 15° (en mai, ici, on ne fat ps ce qui nous plaît !). Ce pays à l'air encore authentique et magnifique. Bon voyage à vous et j'attends avec impatience de lire la suite...
Bises de françoise et Jérôme.

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