lundi 24 novembre 2014

Nad et Pod

Un grand musée, non pas à ciel ouvert -c'est l'expression qui me vient à l'esprit-, mais tout le contraire, clos, sans ciel et en dehors du circuit de l'art. Pour le peuple et uniquement pour ceux qui prennent les transports en commun souterrains, oui, vous avez deviné, c'est le métropolitain, celui de Moscou, un musée à "terre fermée".
Le métropolitain, c'est d'abord, en français, un adjectif qui s'est ensuite transformé par l'usage en nom commun. C'est un peu dans l'esprit russe de faire des adjectifs avec tous les noms et parfois, par une forme courte de l'adjectif, de l'utiliser sans autre transformation, sans crier gare et sans tergiverser, comme un nom. Donc je vous invite à suivre cette visite -dans sa forme courte, sur internet, sans avoir à vous déplacer- composée en ce jour de l'inauguration, le 25 novembre 2014, d'une cinquantaine de photos prises entre 2013 et 2014 dans les profondeurs de la ville (cliquez sur la photo).
Et si vous avez pour finir besoin d'oxygène, partez explorer ce grand panorama de Moscou, assemblage de 9 photos prises depuis le mont des moineaux, la colline la plus haute dominant la capitale. Il a fallu contourner des arbres pour arriver à cette composition, les raccords sont restés volontairement grossiers et les proportions pas toujours ajustées au plus fin. Ceci pour le plaisir des sens, n'en déplaisent aux cerveaux électroniques. Cliquez sur la photo, vous savez faire maintenant :-)
Patientez le temps de chargement des 10 mégas-octets de cette image à rallonges. Ça c'était pour nad (над), au dessus. Et pod (под), c'était la première partie, en dessous.
Ici, en Russie, pas de milieu, c'est la terre des extrêmes, on passe de l'été à l'hiver, de la bania à la neige. Et vous pouvez étendre la métaphore à beaucoup d'autres choses, s'il vous plaît.

vendredi 14 novembre 2014

A Vinzavod, je lève mon verre

Au XVIIIème siècle les comtes Cheremetiev possédaient dans leur Palais de Kouskovo un aquarium. Et on peut le voir encore de nos jour en visitant cette résidence d'été (vous le savez déjà si vous avez regardé mes photos et si vous lisez les légendes, mais ça c'est une autre histoire ; une légende même). 
Il est original cet aquarium car il a des poissons mais il n'a pas d'eau. C'est en fait une sorte de gros vase avec des poissons peints à l'intérieur. C'est plutôt l'esprit du bassin puisqu'il faut se pencher au dessus pour voir ce qu'il contient. Si l'artiste avait imaginé les aquariums tels que nous les connaissons aujourd'hui, nul doute qu'il aurait peint les mêmes animaux des deux cotés de l'objet pour simuler la transparence.
Devant chez nous, en sous-sol du plus bel immeuble faisant face à l'étang (photo de septembre 2013, déjà !), se trouve aussi un aquarium mais avec des parois en verre et des poissons bien vivants cette fois. Vivant dans l'eau salée. C'est un aquarium de mer. Morskoï, морской
Et l'étang de Tchistié, avant d'être propre -чистие-, il était puant car la zone était marécageuse. Comme d'ailleurs l'île bolotniï -болотный- de mon article précédent. Tout ça pour vous expliquer cette première photographie animalière. Et pour vous dire que cette ostrov (je ne retraduis pas) n'est pas si artistique que je le croyais. Oui, le cadre est très beau, la galerie photo incontournable mais c'était sans connaître Vinzabod, винзавод.
Vinzavod, ça signifie établissement vinicole, ce qui n'est pas pour me déplaire vu mes racines bourguignonnes. C'est un grand lieu tout en briques rouges et en cela il ressemble au quartier est de l'île marécageuse. Plusieurs bâtiments avec des cours intérieures, des cheminées et aussi de grandes caves voûtées, en brique également. Mais aujourd'hui il n'y a plus ni tonneaux ni chaînes d'embouteillage mais des lieux de création et d'exposition. Cet espace est dédié à l'art. L'art en russe se dit iskoustva (искусство). Pourquoi si compliqué quand les Français et les Anglais se contente de 3 lettres ? Comme toutes les bonnes choses, elle se méritent. Dans ce lieu, il y a aussi quelques boutiques et quelques cafés, il faut bien vivre.
De l'illusion d'optique du vase-aquarium à Vinzavod il n'y a qu'un pas car s'y trouvait encore il y a quelques jours une выставка (exposition) du grand Victor Vasarely, français par naturalisation. Le roi de l'illusion dont on peut mentalement renverser les constructions géométriques selon que l'on considère que telle ou telle couleur représente le premier ou le second plan. Daphné n'a même pas regretté que je l'y aie traînée ; c'était les vacances et je ne pouvais pas la laisser penser que l'art se limite aux mangas animés. Admirez le magnifique espace voûté rajoutant une perspective aux constructions alambiquées du peintre.

Et si je vous parlais de l'exposition Paradis -Рай- c'était tout autre chose. Un espace voûté en brique en sous-sol, sans aucune lumière du jour et volontairement laissé dans la pénombre. Une impression désagréable de descendre dans une cave dont on ignore le plan de circulation, les marches et autres défaut du sol accidenté, gravillonné et bruyant. Le fait de vous plonger dans un autre monde d'entrée est déjà une réussite, et cela met bien plus en danger qu'un film noir car il faut faire l'effort de mettre un pied devant l'autre, de s'impliquer physiquement. Rapidement on aperçoit le bout du tunnel. A gauche, au bout d'un couloir, sur la surface totale du mur, une scène filmée d'un arrêt de bus en taille réelle avec les gens qui s'assoient, s'en vont, attendent, le bus passe etc. La vie est là toute proche, ce monde n'est pas si loin du nôtre finalement. A droite plusieurs pièces très grandes remplies d'eau. Ou plutôt, remplies d'une vidéo d'eau, de vagues, avec des personnages dont les silhouettes sont projetées sur des colonnes afin qu'ils puissent se maintenir en position verticale. On peut traverser ces pièces en longeant les murs, sur un chemin "sec", dans l'ombre. On a alors l'impression de rentrer dans un temps passé comme le fait Woody Allen quand il pénètre l'écran de cinéma pour changer d'époque et d'espace. 

Et je ne vais pas faire le tour des 6 autres espaces au moins de Vinzavod où j'ai pu voir photos, peintures, sculptures. Modernes ou moins modernes. Conceptuelles, abstraites ou réalistes. Atelier en désordre ou accrochages bien léchés. Les 2 grandes expo étaient à 200 roubles plein tarif (4 euros), une des petites à 50 et tout le reste en accès libre. On trouve aussi des objets d'art, quelques vêtements et un disquaire spécialisé dans le vinyle ; mais flûte, mes lp de Pavillon 7b sont restés en France ; il doit bien y avoir un moyen...
Même en ayant déjà vu le lieu et l'expo, je n'ai pas trouvé les mots pour convaincre les sœurs de Daphné de nous accompagner. Mais pour Tirez sur le pianiste dans le cadre du festival Truffaut à l'Illusion, j'ai réussi l'exploit d'emmener tout le monde. Les enfants sont contents d'être à Moscou car ils ont leur chambre, leurs amis maintenant, un lycée par trop loin, une grande liberté de circulation, un téléphone mais certainement pas pour découvrir une ville ou une culture. Pourtant même les murs extérieurs de Vinzavod reflètent un esprit différent et moins académique que les autres lieux présentant des créations à Moscou, en tous cas c'est ce qu'ils m'ont renvoyés au fil de ces 2 premières visites.