lundi 19 septembre 2016

Courrier et téléphone


Ce n'est pas parce que vous habitez dans le centre-ville de Moscou que vous pouvez prétendre à une belle boîte aux lettres. Remarquez que le nom des habitants n’apparaît pas sur les boîtes. Sur la porte donnant à l'extérieur, il y a un interphone sans nom, avec des chiffres. Si vous n'avez pas le code pour entrer, tapez le numéro d'appartement et ça déclenche l'interphone. Si vous ne connaissez pas le numéro d'appartement... et bien il ne vous reste qu'à repartir. Sauf si vous avez un téléphone portable et le numéro de la personne chez qui vous vous rendez bien évidemment. D'où peut venir se sentiment de peur de laisser son nom ? Est-ce ce même sentiment qui empêche les gens de se regarder dans le métro ou de trop se parler dans la rue ? Exemple de conversation entre 2 passants : "La rue trucmuche ? Ici à droite". Pas de mots en plus avant ni après. Les termes bonjour, merci, au revoir, ils ne les utilisent pas avec des inconnus. Chacun son histoire, ses traumatismes, ses phobies. Même pas plus tard qu'il n'y a pas longtemps, dans l'appart d'un copain lors d'une soirée, j'ai croisé plusieurs Russes qui n'ont même pas esquissé un mouvement de tête pour pouvoir ensuite éviter mon regard ; non, ils savaient que j'étais là et qu'ils ne me connaissaient pas et je n'ai même pas pu les saluer. 
Ce n'est pas parce que vous payez 5000 euros de loyer que vous pouvez prétendre à des communs propres, sans odeur et entretenus. Vous avez de la chance car je ne sais pas coller l'odeur dans un blog. Ça fait 3 ans que ça dure et donc toute la famille a fait des progrès en apnée. Avant de fermer la parenthèse puanteur, j'ai été confronté au moins à trois reprises dans Moscou depuis la fin août à des effluves comme je n'en avais pas sentis depuis que nous y sommes installés. J'espère qu'il ne s'agit pas d'une dégradation des infrastructures, beaucoup moins importantes pour la municipalité que les fleurs qui clignotent et les cabanes en bois pour vendre des spécialités. Je me suis laissé dire, qu'il y avait là plusieurs marchés très juteux qui avaient été signés.
Retour dans la cage d'escalier. Ce qui est étonnant, c'est quand vous ouvrez la boîte aux lettres. Pas trop de pub au premier abord car il faut un code pour rentrer dans le bâtiment. Des factures le plus souvent. Comme en France me direz-vous. Il y a tout de même 3 différences de taille. 
La première est que, bien souvent, le facteur n'a pas trouvé la boîte et il a posé un tas de papier sur le rebord de la fenêtre, à côté. C'est vrai qu'il y a 4 boîtes alors... c'est pas facile. Evidemment, il y a souvent du courrier qui ne correspond à aucune des boîtes à lettres de cette entrée d'immeuble, quand ce n'est pas carrément des missives ou factures pour une autre rue. Je pense qu'il y des gens qui doivent se faire couper le téléphone ou l'électricité simplement parce qu'il ne reçoivent pas leur facture.
La deuxième différence est que la facture est avant tout un support publicitaire.
A gauche, le recto du courrier (avec le chiffre en orange), à droite (avec la pub en rose), le verso. Il faut un certain temps pour comprendre que ce n'est pas que de la pub et ne pas tout mettre directement à la poubelle. Et il faut de la patience (et ses lunettes) pour trouver le nom du destinataire. Mais c'est écrit. Il faut trouver de quel côté chercher, c'est vrai également. Et c'est tellement insupportable à regarder ces pub aux couleurs vives avec des lettres de toutes les tailles et dans tous les sens, que c'est seulement aujourd'hui en vous en parlant, chers lecteurs, que je constate que la publicité est relative à l'émetteur de la facture. Vous me direz, c'est la moindre des choses. Que nenni. 
La troisième différence est que cette facture d'électricité (par exemple) contient une autre publicité. Et il aurait été dommage que vous ne la voyiez pas. C'est une pub de dentiste, de stomatologue comme on les appelle ici. Ça ne me donne pas vraiment envie de me faire soigner les dents.
Et je ne vous parle pas du téléphone qui tous les jours sonne plusieurs fois avec, au bout du fil, un répondeur qui débite des annonces publicitaires. 
Le libéralisme débridé comme on ne l'aime pas et qui a le plus grand mépris pour la liberté individuelle est bien d'aussi mauvais goût ici qu'ailleurs. Mais il demeure en décalage avec cette image de socialisme et ce message de nostalgie d'URSS qu'on entend de la bouche même du Kremlin, si tant est qu'une forteresse ait une bouche. Ça ne finit pas de m'étonner.

jeudi 8 septembre 2016

Dernière rentrée

L'été s'achève. Le Japon n'a pas été au rendez-vous, cas de force majeure. Ça commence fort avec l'assurance annulation du vol, la célèbre Europe Assistance tout de même, qui sans aucune gène aucune, m'annonce que le fait de résider en Russie m'exclu des cas de remboursement. Ne croyez pas bonnes gens, que l'assureur ait quelques remords d'avoir encaissé ma cotisation, non. J'avais, heureusement et par hasard, utilisé ma carte Visa française et non russe ce qui me permet de faire jouer l'assurance VISA associé à ce compte ; mais les semaines s'additionnent aux semaines sans retour des services concernés malgré les dossiers envoyés. Là, vous avez intérêt à être en forme et blindé car le système est sans pitié pour les faibles, personne n'est là pour verser une larme, seulement pour vous décourager de poursuivre votre demande de remboursement. Vous avez intérêt à aimer les serveurs vocaux et les renvois de services en services. 
Garance est installée en France, à l'université bac en poche. Les gros bagages convoyés pour l'occasion depuis Moscou m'ont dissuadé de me charger de mon appareil photo. Cela fait donc déjà deux mois que je n'ai pas appuyé sur le déclencheur.
Je reviens de Shérémétiévo avec l'aéroexpress après avoir raccompagné M. qui se retourne en France, visa en poche, pour un mois d'un repos bien mérité. Je n'ai même pas activé, dans mon wagon climatisé, la wifi gratuite. Le temps est déjà gris, il pleut, la température est descendue à 15 degrés. C'est vraiment l'esprit de Moscou, difficile à rendre par la photo sinon à empiler des clichés gris, des immensités de forêts, d'immeubles de hauteurs variables. Les plus hautes constructions se détachent dans le ciel. L'extérieure de la ville n'a rien à envier au centre-ville pour ce qui est des travaux. Des tours poussent, non pas comme des champignons, mais comme des bouleaux. On n'hésite plus maintenant sur le nombre d'étages. Des milliers de logements en perspective. Des cités sans âme mais ça n'arrête pas de grandir, de se densifier, jour et nuit. Pendant ce temps, le réseau de métro est rénové, prolongé.
La pluie.
Le froid à Moscou, ce n'est rien. Le sujet, c'est l'eau, j'en ai déjà parlé mais c'est tellement incroyable qu'il faut que je complète. Ce n'est pas photogénique et ça parait anecdotique en image. Donc il faut que j'essaye de vous le faire vivre autrement. Il vaut mieux en rire. C'est un peu à la Charlie Chaplin en fait. Toute cette immense capitale a le même souci. On peut voir sur internet des vidéos de voitures presque sous l'eau et des jeunes sportifs faire du ski nautique dans les rues. Cette été, la création est venue du granit. Le centre de Moscou se dote de trottoirs plus larges, il est même possible de casser ce qui a été fait l'année d'avant, ça n'a pas d'importance, c'est toujours plus clinquant, plus beau. Il faut le reconnaître, la ville s'embellit. Il y avait déjà eu beaucoup de travaux l'année passée. Et puis celle d'avant etc. La mairie met les moyens, des moyens incroyables. Bien sûr, certaines sociétés privées s'enrichissent mais c'est le cas dans tous les pays et c'est la base de notre économie libérale.
Donc cette année, sur les trottoirs refaits cet été, on peut voir des dalles de granit creusées, sur toute leur longueur, de plusieurs lignes d'un centimètre de profondeur. Un dalle rayée me direz-vous. Mais ça ne s'arrête pas là car plusieurs de ces dalles sont alignées à certains endroits, du mur jusqu'à la chaussée. En fait, non, pas jusqu'à la chaussée car les bordures de trottoirs en granit n'ont pas été prévues avec les rainures. Vous me direz, c'est joli comme ça. Oui, mais ces rainures sont placées sous les descentes d'eau pluviale, ou à côté parfois, c'est vrai ; alors soit les ouvriers avaient un délai vraiment trop court pour bien faire le travail, ou scier une nouvelle série de dalles leur cassait vraiment les pieds ou troisième hypothèse, la moins vraisemblable, un regard critique sur l'aberration de cette innovation les a autorisé à un clin d’œil aux passants observateurs. Car non seulement la rigole ne va pas jusqu'à la chaussée, mais sur la chaussée il n'y a aucune grille d'évacuation d'eau (ou alors beaucoup trop petite), et les rainures sont si disproportionnées par rapport aux quantités d'eau pouvant s'échapper du ciel que c'en est comique, dérisoire. Enfin, si la pente est bien orientée du mur vers la route, c'est tout simplement un accident car on ne calcule pas ce genre de chose.
Ça, c'était pour le coté trottoir et innovation. Ce qui est spectaculaire pour rester au niveau des pieds, ce sont les diamètres des évacuations d'eau raccordées aux gouttières. Alors là, les moscovites me disent stop ! Effectivement, excusez-moi, je n'aurais jamais mais jamais dû employer le verbe "raccorder" car ce mot est inconnu en russe (en tous cas du coté du BTP dans sa spécialisation gestion de l'eau). Sur les toits, un rebord en métal permet à l'eau de ne par tomber directement tout le long des façades ; cette gouttière n'est parfois qu'une petite partie du toit lui aussi métallique, petite partie recourbée qui reste d'un diamètre inférieur à une gouttière industrielle fixée sous un toit. Cette gouttière, qui n'est donc pas toujours d'un format standard, se termine brutalement sans raccord avec un autre conduit. Pour canaliser l'eau jusqu'au sol, le tube vertical est coiffé d'une partie évasée comme un entonnoir. Et comme rien n'est standardisé ou encastré ou fixé, il y a autant d'eau qui coule par ce tuyau qu'à coté. 
Souvent aussi, pour couronner le tout si je puis dire, la base du tuyau d'écoulement est arrachée ou cassée et l'eau gicle comme une douche à un ou deux mètres du sol. On finit par ne plus y faire attention. Enfin pas moi. Ce n'est pas seulement un poème qu'il faudrait écrire mais bien un livre entier. Pour l'instant, je n'ai pas eu le courage me me faire rincer spécifiquement pour rapporter les illustrations ou photographies adéquates. Et c'est surtout spectaculaire quand la pluie est violente, c'est à dire régulièrement. Mais qui sait, cette année étant ma dernière année à Moscou, peut-être est-ce que je vais un peu plus me mouiller...