jeudi 21 août 2014

Baïkal 1 - Arrivée à Irkoutsk

Après plusieurs semaines en France où nous avons été choyés par la famille et les amis -quel régal de voir tous ces Malakoffiots dans leurs résidences estivales- et après avoir fait le plein de bonne cuisine française, nous reprenons l'avion toujours en direction du soleil levant, plein Est vers le cœur de la Sibérie.

Dimanche, dans l'avion, après une nuit passée à remonter le temps...

Une grosse rivière serpente en faisant de grands lacets entre des groupes de maisons et des forêts. Ça semble s'étaler à l'infini. Il y a beaucoup de champs cultivés. Ça me fait penser à l'Asie, à l'image que j'ai de l'Asie. La masse nuageuse se dissipe par endroits, on finit par distinguer des massifs montagneux. L'avion se pose avec une douceur étonnante. L'emblème de la ville où nous débarquons est le babr, un tigre avec une queue de castor (bobr ou бобр) et une zibeline dans la gueule. Nous sommes à Irkoutsk (Иркутск). C'est bien l'Asie mais ce n'est pas la Sibérie des grands froids et des maisons en rondins dans la forêt. Au mois d'août, il fait 30 degrés.

Le ciel se dégage, le soleil nous fait du bien, les 5 heures de décalage horaire depuis Moscou et la nuit dans l'avion réduite à peau de chagrin nous rendent fébriles. La rivière Angara traverse la ville à la vitesse d'un torrent, c'est exceptionnel pour un cours d'eau de cette taille. C'est le seul alimenté par le lac Baïkal, tous les autres au contraire le nourrissent. 

Quelques églises orthodoxes, de nombreuses maisons en bois pas très bien entretenues mais qui ont le mérite d'avoir résisté aux incendies catastrophiques à l'époque où l'ensemble des constructions étaient faites de ce produit écologique.

Cuisine traditionnelle à midi avec de l'omoul. C'est un poisson endémique du lac Baïkal à la chair savoureuse, proche de la truite de forme et de taille avec le dessus de la tête légèrement aplati ; et comble de bon goût, il nous a été servi entier, sans arrête et en n'étant ouvert que sur le ventre !

Les rues sont larges, certaines places sont immenses, c'est taillé pour l'automobile, pas de problème d'espace à première vue.
Ce soir, dîner chez l'habitant avec des boulettes de viande maison, un délice.



Lundi 

Route vers le lac Baïkal, direction nord-est. Arrêt dans un petit et joli musée bouriate qui témoigne du mode de vie de ce peuple local ; nous sommes tout de même à coté de la Bouriatie (république de la Fédération de Russie s'étendant au sud et à l'Est du lac Baïkal). Des os du néolithique, des animaux de la région empaillés dont un ours, un loup, un cerf, un lynx, un glouton (appelé aussi carcajou), toutes sortes d'oiseaux ainsi qu'un chaman (non empaillé celui-là, il s'agit d'un sage-guérisseur qui communique avec les esprits) et l'intérieur d'une yourte, l'habitation traditionnelle.

Nous poursuivons plusieurs heures de daroga (route ou дорога) au milieu des collines verdoyantes où paissent des vaches et des chevaux. Parfois un cowboy à cheval surveille le troupeau. Et parfois la forêt ressurgit et recouvre les collines. Nous apercevons de nombreux villages aux maisons hétérogènes, en bois, orientées dans tous les sens et de toutes les tailles ; les toits sont parfois verts, bleus, jaunes, gris ou marrons quand ce ne sont pas les fenêtres, parfois assorties de volets, qui égayent l'ensemble de ces mêmes couleurs vives. Ces villages respirent la vie et une certaine sérénité. Pas de routes tirées à la corde, pas deux maisons semblables. La forme des toits également change. J'aime quand au lieu des 2 pans classiques, l'on en trouve 4 dont les 2 du dessus sont plus courts et moins pentus. Les toits sont en tôle, jamais de tuiles. 

Après une agréable pause déjeuner (délicieux pozés, raviolis à la viande dans leur jus, comme les khinkalis géorgiens) sur la terrasse d'un restaurant traditionnel bouriate, perdu à la sortie d'un village avec une belle vue sur la forêt sibérienne, nous changeons de véhicule.


Cette fois nous avons un chauffeur en treillis avec un gros couteau de chasse à la ceinture. Cheveux courts et grande barbe fournie, le profil du rustre vivant au fin fond de la Sibérie. C'est un garde du parc du lac Baïkal ; son véhicule est un vieillot petit bus vert 4x4, haut sur ses suspensions, suffisant pour nous huit. La guide est assise devant, entre le chauffeur et moi mais sur une espèce de réservoir peu adapté à servir de siège. Cette fois nous fonçons sur la piste en direction de la forêt. Je n'avais pas roulé aussi vite hors goudron depuis nos dernières virées dans le désert saharien avec un chauffeur touareg. Mais le gaillard est fort sympathique et les enfants rigolent bien. Des petits animaux s'enfuient à notre approche, plongent dans leur terrier parfois au bord du chemin. Ce sont des écureuils terrestres, des sousliks.


Cerise sur le gâteau, Sergueï est le premier à nous mener jusqu'au lac. La vue depuis les collines est immédiatement magique. J'ai toujours une certaine appréhension lors de la rencontre avec un lieu déjà vu à l'écran, peur qu'il ait perdu son effet de découverte, son caractère fascinatoire ou peur de ne plus être capable de m'émerveiller.

Première pause pour faire des offrandes. Tradition bouriate chamanique que notre guide marque un point d'honneur à respecter. Il ne s'agit pas d'égorger un poulet mais de simplement déposer une pièce sur un billot de bois devant un totem entouré d'une multitude de rubans colorés ou de verser 3 gouttes de vodka par terre, d'un verre que l'on peut ensuite boire tranquillement. Donc tout le monde est content : nous et les esprits !
Nous laissons le véhicule pour prendre un chemin escarpé qui descend jusqu'à la plus grande réserve d'eau douce du monde et y tremper nos pieds, pas gênés !
Après avoir vu un groupe de chevaux attaché à quelques arbres, nous croisons leurs cavaliers partis eux aussi jusqu'au rivage. Dans la petite crique de galets blancs, nous sommes seuls hormis les esprits. Ce site est sacré pour les chamans car il y a quelques dessins rupestres vieux de plusieurs milliers d'années, juste sur la falaise au bord de l'eau. On peut voir en particulier 2 belles silhouettes humaines qui m'ont rappelé la vallée des Merveilles, en France.
Le soleil brille, un léger petit clapot témoigne de la vie de cet immense monde aquatique qu'on a envie de qualifier de marin (croissant de plus de 600 km de long sur 80 de large et 1637m de profondeur). Nous n'avançons pas bien loin pieds nus car les galets sont glissants, recouverts d'une fine couche d'algues ou de mousse.
L'arrivée à la crique de Kristovaya pour la nuit nous enchante. Première bania (sauna à la chaleur sèche) divertissante et requinquante. Dîner excellent suivi d'un petit tour au bord de l'eau avec un lever de lune au-dessus du lac à défaut du couché de soleil que l'on a dans le dos puisque nous sommes toujours sur la côte ouest du Baïkal.

Pendant ce moment calme, d'autres au campement picolaient autour d'un feu de camp. Tant et si bien, qu'au moment de se coucher, Garance et M. étaient suivies et j'ai dû leur donner un coup de main pour repousser un assaillant fortement éméché qui s'invitait dans notre chalet. Le Bouriate bourré, c'est du lourd !

A suivre.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est un bonheur de vous retrouver par l'intermédiaire de ce blog pour un nouveau voyage dépaysant, qui semble avoir été riche en moments inoubliables. Vivement la suite... Bises, françoise

Anonyme a dit…

Absolument Ravie de pouvoir à nouveau découvrir vos pérégrinations lointaines et leurs personnages hauts en couleur comme le "chauffeur en treillis, couteau de chasse à la ceinture" ou le "bouriate bourré"... On attend avec impatience le Baikal 2 !!!!
Bises à vous tous !
Anne E. & Co

Anonyme a dit…

C'est un plaisir de te lire. Très belles photos (j'aime particulière la n° 25) ; le paysage est époustouflant, j'adore les villages, l'ambiance. Et quelles "trognes" (le Bouriate bourré m'a bien fait rigolé) ! Je comprends ce que tu dis quand tu parles de ton appréhension / effet de découverte. C'est pour ça que je laisse Eric s'occuper des itinéraires de voyage, pour être sûre de l'effet de surprise et d'émerveillement une fois sur place. On vous embrasse. Do, Eric et Capucine

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