lundi 31 août 2015

Kem

Les arrêts du train sont assez fréquents et quand ils durent 35 minutes, l'on est invité à descendre pour faire des achats sur le quai qui se transforme en mini marché sauvage. On arrive à la Montagne de l'Ours (Медвежья Гора). Ah, du poisson séché, fumé ! Je lui attaque le dos à pleine dents. La peau est un peu trop épaisse mais la chair est savoureuse. Je prends un des podstakannik (подстаканник) qu'a mis à notre disposition le responsable de wagon, très content d'avoir une famille de français sous sa responsabilité (comme quoi ils ne font pas tous la gueule), et vais remplir mon verre au samovar du wagon (voir la photo dans le transsibérien et les articles du Baïkal d'août et septembre 2014) pour y plonger ensuite mon sachet de thé noir. Génial ! Comme on peut l'imaginer mais comme on ne le sait pas (ça n'a rien à voir mais il faut que je vous le dise avant d'oublier), cette région regorge aussi de peuples inconnus. Rien que les 2 guides russes francophones avec qui nous avons parlés à Pétrozavodsk et à Kiji avaient un parent vepse. Vous connaissez vous le peuple vepse ? Personnellement ce mot n'était jamais parvenu jusqu'à mes tympans. Oui, ils parlent vepse aussi. Et jouent du kantélé, l'instrument national finlandais.

Jeudi 13 août 2015. 00:45 arrivée par train de nuit à Кемь. Des gouttes de pluie glissent sur les carreaux du wagon. Réveillez-vous les enfants ! On descend. Le sol est noir et mouillé, peu éclairé. Deux hommes passent très vite avec un panneau причал en criant Pritchal ! Peu de monde sur le quai, l'unique quai, au premier regard, de cette petite ville (au retour de jour je constaterai la présence de plusieurs autres quais, derrière, occupés par des trains de marchandises). Pritchal ? Ça me dit quelque chose... mes papiers... le voucher, le nom de l'hôtel, c'est ça ! C'est aussi l’amarrage en russe mais ce terme ne faisait pas partie de mon vocabulaire. Eh oh ! (les gars !) Prtichal da da ! criai-je. Ils sont déjà loin mais ils m'ont entendu. Nous voilà dans 2 taxis. Je suis devant, ce sont 2 voitures banalisées, sans plaque "taxi" comme beaucoup de taxis en Russie (même à l'aéroport de Moscou quand on demande un taxi aux agents habilités). Les voitures ne sont pas de toute première jeunesse. Une femme et un dragon décorent la lunette arrière de la notre.
Atmosphère sombre dehors, le ciel est bas, l'éclairage urbain minimal et dans la voiture, c'est la nuit noire. Nous sommes assis assez bas et partons immédiatement. Nous roulons à vive allure. Il y a 10 km jusqu'au port ou nous devons dormir, à Pabotchéostrovsk (Пабочеостровск). Des gerbes d'eau s'élèvent à droite et à gauche sur notre passage, comme des fleurs qui s'ouvrent, comme une allée qui surgirait de nulle part pour nous inviter à pénétrer dans un nouveau monde. Nous devinons de la végétation de chaque coté de la chaussée. L'impression d'être à la campagne, dans une autre Russie. L'homme est silencieux. Une musique planante a envahit l'habitacle. Un grand éclair déchire l'obscurité. Atmosphère fascinante qui pourrait être inquiétante mais je suis très confiant. Les 2 voitures roulent très près l'une de l'autre malgré le risque d'aquaplaning, les feux stop de l'autre voiture devant nous s'allument sans que nous ralentissions. Nous sommes au bord de la mer blanche mais ne la voyons pas. Personne d'autre que nous sur la route. Je suis bien. Je demande tout de même au chauffeur quelle est cette musique : Enigma.
Réveil à Pabotchéostrovsk . Nous allons déjeuner dans l'isba restaurant, toute en rondins. Toutes les maisons sont en bois de 1 à 2 étages. Un bol de cacha savoureuse, deux petits blinis délicieux avec une cuillère de confiture exquise. Avec la télé russe, toujours trop forte.
Derrière le parking d'une vingtaine de voitures, le quai d'embarquement, le pritchal ! Des flaques d'eau partout. Des piliers de bois en décomposition. Tout a l'air abandonné. Ambiance Léviathan, le film russe (à voir absolument si ce n'est pas déjà fait). Pourtant, un homme est là, derrière un ruban tout au bord de l'eau, sur un ponton. J'ai du mal à me persuader qu'il va falloir venir ici avec nos valises et qu'un bateau va s'y trouver, dans 2 heures.
En attendant, nous partons déambuler dans le village. Les maisons en bois abîmée ne sont ni réparées ni détruites, elles continuent de s'effondrer à leur rythme. La végétation est très verte. On sent que rien ne manque d'eau. Un homme tire un gros bidon de lait sur un chariot à roulettes. Je le retrouve le remplissant à la fontaine. Ces bidons, symboles pour moi de la ferme et de la traite des vaches, servent ici pour l'eau qui, bien que très courante, ne va pas jusqu'à l'intérieur de la plupart des foyers. Cette vie au milieu de cet abandon est belle et triste à la fois. Des tas de bois pour le chauffage s’étalent un peu partout. Les maisons sont closes, on voit très peu de passants. Le mystère reste entier. Enigma.
A suivre : les iles Solovki
L'album photos Carélie-Arkhangelsk (mise à jour en cours)

1 commentaire:

Unknown a dit…

J'ai vu Léviathan. C'est tout à fait ça, ce pays...

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