mercredi 6 avril 2016

Des CRAC et des BOUM

"Lac Baïkal", photo au large de Listvianka
Repas au gîte, simple mais pas ouf comme diraient nos ados. Le plus décevant c'est le matin : jamais de cacha alors que l'été, quelques mètres plus loin, ça avait été une découverte réjouissante pour les papilles. En petit-déj, fromage, saucisson, confiture et gâteau maison, correct sans plus. Je regrette chez Igor. Passons à la glace !
Nous longeons la côte nord dans notre Ouaz et nous arrêtons à 3 ou 4 reprises à coté des falaises les plus spectaculaires, avec de petites grottes et de la glace plus ou moins brisée, éclatée, lisse, striée. Des stalactites sous les rochers et surtout, selon l'humeur du vent et des nuages, une lumière vive faisant ressortir les bleus et le vert de la mer et de la glace (oui je sais c'est un lac, mais vous verrez quand vous viendrez...), faisant ressortir les grandes ombres des roches ; ou une lumière plus grise, moins flatteuse, qui oblige à chercher un angle particulier, un angle digne de la beauté de ce site.
"Lac Baïkal", photo à Khoujir, île Olkhone

Au fil des semaines hivernales, les vagues, qu'on devine se casser sur la roche comme sur toutes les côtes du monde, se sont formées sous une fine couche de glace qu'il a été facile de rompre puis le froid est devenu saisissant et selon la force des vents et des mouvements sous-marins, la glace n'a pas été réduite en poussière mais a été fendue, brisée en plaques plus ou moins grosses. Le phénomène se répète jour après jour et plus la température chute la nuit significativement, plus la surface résiste et prend sa forme définitive pour la partie la plus froide de l'hiver. La surface gelée bien lisse est due à une absence de vague et à un grand froid simultanés. 

Mais parfois je ne suis pas attiré par la côte et son amas de brisures de glaces mais par le large. C'est le cas près du cap où la glace forme de petits monticules, des petites barrières le long de lignes brisées pour laisser ensuite place à une étendue lisse et cela se répète à perte de vue entraînant le marcheur vers le grand large comme le saharien qui franchit les dunes les unes après les autres pour voir au delà, pour voir si l'infini existe. Comme le marin... Mais soudain : BOUM ! Un coup de canon ! On m'avait prévenu la veille que la glace qui travaille tonne littéralement comme le tonnerre. Et le coup se répète. Il est vrai que je suis éloigné du bord et des véhicules. Plusieurs Ouaz sont arrêtés au même endroit près de la falaise. Ma chaussure glisse sur un pan de glace incliné alors que l'autre pied est déjà lui aussi sur une autre plaque inclinée différemment. Mes deux mains tiennent l'appareil photo, je suis pris en défaut de vigilance, mes crampons-ressort ne peuvent plus rien pour moi. Dur de regarder ses pieds quand tout, autour de sois, appelle le regard ; je chois sur les fesses ! Le buste n'est pas parti en arrière, pas de mal, pas de casse. J'accélère imperceptiblement mon pas pour rejoindre la terre, un peu plus au nord où la glace semble différente. Je laisse derrière moi les coups de canon, pas fâché. J'ai tout de même l'impression qu'ils me regardent ! 
Impression de mirage. Il y a du soleil, je vois de l'eau sur la glace sans que jamais mon pied ne rencontre de liquide. Au pied de la roche, un bel amas de glace de plusieurs mètres de haut. Cette fois c'est un gros CRAC qui me fait sursauter. Décidément je crois que j'ai envie de rejoindre le reste de l'équipe !
En fin d'après-midi Iris et Sylvie sont partantes pour un tour en chiens de traîneaux. On ne sait pas encore si c'est sur glace ou sur neige, s'il s'agit de conduire soi-même l'attelage ou de rester sagement assis. Nous nous rendons sur le site en véhicule. On se rapproche de la forêt après avoir quitté la glace. Ambiance de nature sauvage séduisante mais la neige laisse place à la terre à beaucoup d'endroits. Ce n'est pas un bon présage pour la sortie prévue.
Un seul traîneau est attaché ; par l'arrière à un arbre et devant, à l'extrémité de l'attelage, à un piquet métallique planté dans le sol. Il ne risque pas de s'envoler ! Mais les 8 chiens arrivent les uns après les autres (non, pas tous seuls, ils sont solidement tenus !) pour prendre leur place. Ils aboient, tirent sur leur attache, se débattent ; ils sont déchaînés (c'est une façon de parler, ils sont encore bien sûr attachés). C'est clair que le touriste concerné par la sortie va sagement s'asseoir et que c'est leur maître qui va tenir la barre. A peine détaché, le traîneau s'envole au milieu des sapins. C'est sur une des photos que je découvrirai que les deux derniers chiens sont tombés l'un sur l'autre au départ mais ils se sont redressés si vite que je n'avais rien vu. Ça ne gêne pas les bêtes qu'il y ait peu de neige. Par contre, pour les passagers - qui attendront leur tour une demi-heure (la météo est si clémente que les chiens ne peuvent pas courir une heure, ils ont trop chaud) -, les soubresauts sur les chemins seront douloureux surtout après la double ornière, au cœur de la forêt. Le corps décolle du siège et le coccyx dérouille à l'atterrissage. Le confort est très sommaire. La barre dans le dos laissera également un souvenir désagréable à une des clientes. Le plus épique témoignage est celui de Sylvie. 
Après un virage dans la forêt, une vache apparaît, tranquille, sur le coté droit. Le passager se tient de ses deux mains aux barres métalliques de part et d'autre du matelas de mousse sur lequel il est assis. Les chiens donnent tout ce qu'ils peuvent, ils n'écoutent pas les cris du pilote, à droite, à gauche... Soudain, brusquement, ils stoppent, exactement devant le ruminant. L'homme et la femme n'ont pas le temps d'ouvrir la bouche que les canidés sautent à la gorge du bovin qui n'a d'autre alternative que d'en piétiner plusieurs. Le maître est maintenant devant ses carnivores - on ne saura pas s'ils ont trop attendu leur repas ou si un instinct sauvage les a subitement possédé - et il essaye de démêler l'attelage, comme après une bataille. Les animaux ont la peau dure, pas de victime. A peine a-t-il terminé sa tâche que les bolides s'élancent sans que le conducteur n'ait eu le temps de se placer, debout, à l'arrière du traîneau. La passagère pour un cri pour le faire réagir, il saute à la place qui est la sienne et la balade se termine, devant le chenil dominant le lac avec ses montagnes en arrière plan. 
Epilogue : Pendant ce temps, ignorant tout des événements que renfermait la forêt d'Olkhone, nous fûmes invités à boire un thé aux herbes du Baïkal dans une des baraques du chenil. Et de découvrir le chenil lui-même. Des chiots adorables, tout poilus, doux et calmes. On ne peut pas tous les approcher. Certains, plus foncés, sont derrière un grillage. Il est vrai qu'au pied d'un arbre, derrière les premières maisons du chenil, un canidé particulier est attaché. Lui est seul alors que les autres sont en groupes même s'ils ont une attache individuelle. Les autres tirent sur leur corde pour nous approcher quand nous passons à proximité. Celui-là non. C'est le seul à ne pas avoir de niche. Il se lève tout de même à notre approche et, sans un bruit, décrit des cercles dans la limite de la longueur de sa chaîne. Il n'est pas blanc, gris aux yeux bleus comme la plupart des autres pensionnaires. Il a des pattes plus fines, un long museau, il est brun, un regard doux et il n'aboie pas quand les autres hurlent. C'est un loup. Une louve plus précisément. Une louve qui sert aux éleveurs à faire des croisements pour donner naissance à des bêtes plus résistantes !

(à suivre)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire