mardi 25 octobre 2016

Toi mon kricha

крыша - prononcer kricha - est le toit, en russe. Il vous couvre, au sens propre comme au sens figuré. Si votre activité n'est pas très légale, mieux vaut pour vous, avoir un kricha qui vous protège. Mais quand il perd son pouvoir ou si un tiers vient à en avoir davantage sur le même domaine d'activité - ou sur le même secteur géographique - alors, évidemment, vous n'êtes plus à l'abri. Et vous l'apprenez souvent trop tard. Donc un toit ça s'entretient avant de ne plus être efficace. Ou ça se change. Il ne faut surtout pas suivre l'exemple de mon propriétaire qui a laissé couler l'eau dans ma chambre l'hiver dernier.

En juin, dans l'immeuble en face du mien - et non chez moi vous avez compris - ils ont repeint la toiture. Et en octobre, avant l'hiver, ils la remettent en état.
Ils n'ont qu'une pince coupante, un marteau. Ils étaient trois. Un quatrième vient de les rejoindre avec un pied de biche. Il s'allonge à coté d'eux, sur le toit en pente. C'est la pause pour lui. Sur ce vieil immeuble russe, il n'y a pas de tuile - comme nulle part dans ce pays - mais de longues plaques de métal qui partent du faîte jusqu'au dessus du mur. Cet immeuble est bas, il n'a qu'un étage, c'est une des rares constructions en pierre qui a résisté à l'incendie de 1812, qui a ravagé la capitale après l'arrivée de Napoléon. L'inclinaison n'a pas besoin d'être aussi forte que pour une couverture en tuile qui craint de se fendre quand il reste un peu d'eau et que les grands froids arrivent, le gel faisant éclater la terre cuite.
Hier, un de ces hommes, un homme du Caucase comme souvent - ceux qui à Moscou marchent le long des toits sans protections, soit pour déneiger soit, comme cette fois, pour assurer l'entretien - a aplati avec un marteau, à une distance régulière du bord inférieur, le bourrelet de métal qui assure la jonction des plaques entre elles. Elles font ici moins d'un mètre de large et se recouvrent légèrement sans aucune soudure. Ces hommes ont l'air d'être totalement indifférents au vide qu'ils ont sous leurs pieds. Sur le moment, je n'ai pas compris pourquoi il procédait à cette opération de martèlement. 
Aujourd'hui, l'un d'entre eux, peut-être le même qu'hier - il est difficile de le dire car le froid à fait son apparition et ils sont très couverts avec un bonnet ou une capuche -, a longé le toit et replié la tôle, du bas vers le haut, laissant voir les planches de bois sur lesquelles elles étaient clouées. Si le métal n'avait pas été écrasé par le marteau à un endroit précis, en tirant, la plaque ne se serait pas pliée facilement. Le temps est sec, le ciel dégagé mais en contrepartie, il fait près de zéro degré.
Les images se recollent dans mon esprit. Hier, sur la chaussée, j'ai aperçu deux hommes dérouler des bandes de cette même couleur verte et les mesurer. J'ai bien pensé que c'était pour la toiture, mais seulement pour le tour des cheminées, très abîmé et parfois même absent, laissant la brique nue. 
Mon immeuble a un étage de plus et mes fenêtres sont à leur niveau, de l'autre côté de cette chaussée étroite laissant passer le tramway et une file de voitures. J'ai une vue imprenable sur l'opération, comme sur le renouvellement des rails en octobre 2013. Ils ont tout de même monté un échafaudage, a l'endroit précis où, la veille, un de ces ouvrier s'était laissé glisser le long d'une corde, les fesses posées sur une planchette semblable à une balançoire. N'ayant rien pour retenir son dos, il s'appuyait en avant sur la corde attachée à la cheminée et, avec ses deux mains, une fois suffisamment bien assis, il remontait, du sol jusqu'à lui, un seau de peinture. Et il commença à repeindre le mur.
Après avoir soulevé les plaques du bord vers le haut du toit, sur un bon mètre de longueur, ils ont entrepris de remplacer la partie métallique inférieure qui était en-dessous et qui se prolongeait jusqu'au l'extrémité du toit, en surplomb. Aucune gouttière n'y est accrochée, l'eau s'écoule le long d'une autre plaque recourbée fixée par-dessus. Le petit rebord permettant de guider l'eau pouvait éventuellement retenir un pied qui glisse. Maintenant que cette partie est démontée, plus de rebord, ni pour la pluie ni pour les pieds.
La première plaque métallique neuve à être installée doit être pliée pour remonter à la verticale le long d'un muret de brique. Debout, une basquette sur la tôle, un des ouvriers la maintient pendant qu'un second tire avec ses deux mains puis tape avec son maillet pour lui donner la forme voulue. Un troisième, debout sur un échafaudage, entreprend de découper, avec sa pince, le surplus de métal inutile. Ils ne sont qu'à quelques centimètres du vide, aucun n'est attaché. Dans le même temps, l'un deux enfonce - au marteau cette fois - un clou à travers le métal pour maintenir à la charpente la nouvelle tôle verte.Il leur faut taper fort et prendre des risques pour que le kricha continue à jouer son rôle !

1 commentaire:

Unknown a dit…

ça fait peur !!! Courageux ces Caucasiens, mais ont-ils d'autres choix !

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