mercredi 19 février 2014

Machina

J'avais promis de revenir sur les reines de l'asphalte et bien voilà, je tiens ma promesse. Pour commencer, la voiture est une machina dans la langue de Gogol (машина). Et par ce temps de dégel (je vous parlerai de météo la prochaine fois), elles ne sont pas belles à voir, les machini (машины). Remarquez, ça en arrange certains d'avoir des éclaboussures noires jusqu'aux fenêtres car les plaques d'immatriculation deviennent illisibles. Mais avant de mettre des radars (il n'y en a pas), ne conviendrait-il pas de pensez à limiter la vitesse ? Certes les Russes se défendent en disant qu'elle est limitée dans un code quelque part mais je n'ai jamais vu de panneau précisant à combien. Je suis mauvaise langue et surtout en langue russe, j'ai vu une fois et une seule une rue avec un panneau de limitation de vitesse devant un passage piéton (30 ou 50 km/h je ne sais plus) mais ce n'était pas sur un axe rapide. Sur les grandes voies, les passages sont sous-terrain.
Machina, on comprend pourquoi en voyant la voiture du maître, celle de Lénine -excusez du peu- fabriquée sur mesure par les Anglais. Une véritable Rolls-Royce avec chenilles et skis !

  J'ai pu la contempler dans le garage de la datcha de Vladimir Ilitch où il a surtout résidé à la fin de sa vie suite aux attaques cérébrales dont il a été victime (et après les 2 balles reçues dans un attentat). Cette datcha a été choisie pour Lénine par le parti -à qui elle avait été donné, seule solution pour éviter le pillage, par Zinaïda Morozova. Cette demeure était une des premières équipée de l'électricité et surtout du téléphone. La déco est très bourgeoise car Zinaïda était devenue riche et noble par ses mariages ; on est aux antipodes de l'image que l'on peut se faire de la résidence d'un grand révolutionnaire. Cette richesse, pas toujours de bon goût puisque s'y côtoient du mobilier traditionnel russe en bouleau avec incrustations en ébène et des meubles de style empire avec de gros aigles dorés (mais dieu qu'ils sont laids !), des toiles de maîtres, n'a peut être pas plu mais n'a été ni détruite ni vendue ni remplacée. Qui l'eut cru ?
Revenons à nos chevaux. Aux heures de pointes dans Moscou, sur un axe à 10 voies dans le centre ville, quand le feu passe au vert, c'est le bruit d'un départ de Grand Prix de Formule 1. Ils s'en donnent à cœur joie même si c'est pour freiner quelques minutes plus tard. On entend essentiellement des boites automatiques et quand on met le prix, il n'y a pas à dire, elles dépotent (pour ceux qui auraient encore un doute sur cette technologie) ! Il n'est pas de bon ton de griller les feux mais quand c'est à nous de passer, on fonce ! "C'est comme dans un jeu vidéo" témoignait un Français ici depuis plusieurs années.
J'avais commencé à faire un inventaire en arrivant dans ce quartier (j'étais impressionné mais aujourd'hui je ne les vois plus ces fameuses voitures, il est donc grand temps que je publie cet article) des Rolls aux Porsche Cayenne (d'un banal à Moscou) en passant par les Bentley, Cadillac Escalade, SRX, CTS, Ferrari ou Lamborghini, Hamann, gros Toyota Sequoia v8, Highlander, Land Cruiser, Prado, Dodge Nitro, Mercedes GL 500, Mitsubishi Outlander et Pajero, Maybach 62, Honda Pilot, les grosses Audi ou BMW dont le X6 ici légion, les gros break 4x4 Volvo XC90, Land Rover Range Rover, Land Rover Discovery III ou encore Suzuki Grand Vittara, SsangYong Actyon, RX320, Jeep Grand Cherokee, Ford Explorer, Hyundai Tucson V6, BMW Touareg tout de même, Nissan X-Trail, Hummer, Great Wall Hover, Lexus LX570, GX470, Dodge Nitro, Subaru, Chevrolet Tahoe, Acura MDX etcetera. Aussi quelques françaises dont la Citroen Crosser. Le marché est juteux, tous les constructeurs qui font dans le volumineux et puissant sont représentés quel que soit le continent, quel que soit le pays. Pas de racisme chez les concessionnaires auto. J'allais oublier Infinity (très appréciées) FX et la reine, la QX (3243500 roubles) :
Certes on croise dans le centre ville des voitures garées n'importe comment (ça fait à peine plus d'un an que des places de stationnement sont dessinées donc il faut un temps d'apprentissage pour les créneaux) mais la fourrière par contre a compris tout de suite les règles du jeu ! Pour contredire certains à priori, ces engins motorisés sont parfois conduits par des créatures à talons gigantesques et cela même aux heures de pointe, ce qui me fait dire qu'elles vont travailler et que ce n'est pas la voiture du mari empruntée pour aller chez le kracoti "красоты" (le coiffeur/salon de beauté, en nombre invraisemblable à Moscou mais je l'ai déjà écrit dans un article précédent). Et à ma grande surprise, quand je regarde les pilotes qui accélèrent vivement, je vois régulièrement des femmes. Il n'y a pas de raison qu'elles ne se mettent pas aussi aux jeux vidéos !
Les voitures ici ont toutes un potentiel d'une autre nature, que l'on ne soupçonne pas au premier regard : elles sont aussi taxi ! Arrêtez-vous au bord d'une route, levez la main (ou pas) et une voiture s'arrête. Ne vous offusquez pas si l'on vous demande "combien" et "où". L'on vous propose simplement de vous transporter pour un montant qu'il reste à définir et si l'affaire est conclue, "en voiture Simone". Pas de problème de sécurité, beaucoup de femmes seules utilisent ce service. Il y a malgré cela beaucoup de taxis dans Moscou mais je n'ai pas entendu parler de manifestation de protestation de leur part (chacun ses habitudes :-). Cette pratique d'auto-stop très courante demande pour le client une certaine aisance dans le parlé russe et je n'ai donc pas encore osé car l'on détecte que je suis étranger (et donc plein de devises) dès que j'ouvre la bouche. Rien de plus vexant que de s'entendre répondre en anglais quand on a dit bonjour en russe. Mais heureusement, très peu parlent anglais !
Une note artistique pour finir : il y a à Moscou beaucoup plus de voitures personnalisées qu'à Paris et peintes avec un réel talent. Juste deux exemples pour vous montrer qu'ils sont loin d'être tous les mêmes et qu'on est loin de véhiculer en France une image à leur image...







2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je pense à vous en ce moment car je lis "Limonov" d'Emmanuel Carrère, un très bon livre qui donne un aperçu de la vie en Russie depuis la Deuxième Guerre mondiale au travers de la vie de ce personnage atypique.
Bises à vous !
françoise

Anonyme a dit…

Moi aussi je pense bien à vous et je lis "qu'ai-je fait" d'Anna Politkovskaïa et "les enfants de Staline" d'Owen Matthews.
Entre la famille Gibourg-Pomponne à Moscou, les insurrections en Ukraine et les JO à Sochi...on a toutes les raisons de penser et de s'intéresser à la Russie !!!
Bises à tous !
Anne E. & Co

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