lundi 14 mars 2016

Marcher sur l'eau

Alors la moto sur le Baïkal : déjà, ces engins ont deux skis à l'avant et une grosse chenille à l'arrière. Ça accroche, pas de souci sur la neige ou sur la glace. En contrepartie c'est lourd et peu nerveux. Naturellement les agences ne louent pas aux touristes des modèles de course. Nous partons à 4 skidoos. Garance, 18 ans, conduit pour la première fois un véhicule motorisé. Daphné, très fière, s'installe derrière sa grande sœur. M. et Sylvie sont chacune à la tête d'une machine et je chevauche la dernière avec Iris. Un guide nous précède. Certaines motos démarrent électriquement, d'autres avec une poignée reliée à un câble que l'on doit tirer d'un coup sec, comme le moteur des petits bateaux de pêcheurs. D'ailleurs on va sur le lac mais nous n'avons pas mis la pêche au programme. Ça se pratique pourtant beaucoup ici la pêche sur glace ; le plus dur est de faire le trou et de ne pas tomber dedans ; ensuite il suffit d'un fil, d'un hameçon et d'un appât. Mais tout le monde ne revient pas la besace pleine si j'en crois le témoignage de Français s'étant laissé prendre au jeu. Les pros ont des filets qu'ils remontent chargés de poissons. On apercevra sur le lac un ou deux petits cubes de 2 mètres d'arrête (comme par hasard) qui recouvrent un trou et abritent des pêcheurs. 
Une poignée de frein à la main gauche et sous le pouce de la main droite une petite poignée sur laquelle appuyer pour accélérer ; on ne tourne pas la poignée comme sur les motos en France. Ça s'avérera douloureux pour le pouce, qu'on ait ou non de l’arthrose, que l'on se soit ou non foulé par le passé ce doigt si précieux. Le moteur pétarade, ça pue. On est loin de l'ambiance randonnée mais les enfants sont ravis, la balade est très agréable, le paysage magnifique, ne faisons pas la fine bouche ! A cet endroit, au sud-est du lac, on ne voit pas la glace qui est recouverte par plusieurs centimètres de neige. Le blanc à l'infini. Un désert plat. Mais la côte est montagneuse avec des sapins. Il ne fait pas très froid, -5 ou -10 degrés, nous sommes très bien couverts. Retour direct à la base à travers l'immensité, on glisse plus vite, nous nous sommes familiarisés avec les bécanes. Pas d'obstacle hormis quelques fragments de glace protubérants. Surtout, il n'y a pas de crevasse, le seul vrai danger si l'on exclu les endroits où la glace est trop mince. Nous sommes à la bonne saison, au milieu des deux mois et des deux mois seulement pendant lesquels le lac est gelé.
Les skis avant et la chenille sont longs ce qui nous donne un avantage sur le lac face aux voitures dont les roues peuvent se coincer dans certaines fissures. Et nous sommes bien plus légers. L'hydroglisseur lui se rit de l'eau qui apparaît sous l'effet du soleil ; il nous conduit à un petit village accessible par la mer seulement. C'est la magie du lieu qui veut ça, le pouvoir des chamans : le village sur le lac est accessible par la mer !
On aurait pu continuer -avec ce véhicule amphibie- si nous avions su que cela était dans l'ordre du possible, glisser sur la glace jusqu'à l'île d'Olkhon depuis Listvianka sans repasser par Irkoutsk et prendre la voiture. Cette dernière va bien sur le lac mais pas sur ce chemin-ci précisément car l'épaisseur de la glace n'est pas suffisante. Mais à toute chose malheur est bon ; cela nous aurait empêché de revoir Irina ! Et de plus, elle nous a gratifiés non seulement d'un sourire mais aussi d'une bouteille de vodka Baïkal aux pignons, variété que je n'ai jamais vue à Moscou. Ça nous permettra de récupérer les patins de Marc et Nastia autour d'un verre !
Journée de route d'Irkoutsk à Olkhon. Départ épique avec une tempête de neige. On ralentit à peine, tout est gris-blanc, on croise quelques camions, voitures. Ça permet de s'assurer qu'on est bien toujours sur la route. Ici aussi les chasse-neige sont efficaces. La neige s'amoncelle sur les bas-côtés et quand les glissières de sécurité (il y en a peu) sont recouvertes, des groupes de playmobils dégagent la neige, à la pelle, dans le fossé en contrebas malgré le peu de visibilité et les voitures qui les frôlent. Ambiance montagnarde. J'ai l'impression d'aller au ski et pas à la mer. Quand le ciel se dégage, c'est pour nous laisser voir des immensités blanches, des forêts blanches, des villages blanchis d'où ressortent les murs de bois noircis des maisons. Et dans les champs, des points noirs. De nombreux troupeaux de chevaux en liberté. On oublie tout. Surtout moi qui ai la meilleure place, devant ; je m'enfonce dans le paysage à coté du chauffeur russe silencieux.
Puis la route goudronnée laisse place à une piste terreuse. Des tas de terre jalonnent alors notre itinéraire. Des pelleteuses et des engins de terrassement apparaissent, en action. Ils élargissent la chaussée. Comme nous le dira un autre chauffeur au retour sur la même route, les ouvriers travaillent tout l'hiver car celui-ci dure 10 mois de l'année. A -56 les machines ne peuvent plus fonctionner donc ils arrêtent le boulot à -52 (degrés Celsius). Cela lui était arrivé, plus jeune, à 2000 Km plus au nord, sur un grand chantier d'hydrocarbure. Lui, coupait les arbres pour permettre l'installation du site. Ah, ça y est, je vois la mer blanche, le lac Baïkal tout blanc à l'ouest de la petite mer (pour la vraie mer blanche lire l'article sur les îles Solovki). Il a neigé avant-hier. A cet endroit on ne voit pas plus la glace qu'à Listvianka ! Heureusement, ce ne sera pas le cas partout !

(à suivre)

1 commentaire:

Unknown a dit…

Toujours autant de plaisir à lire vos aventures glacées !
Petite précision: il me semble bien avoir vu des photos de Garance conduisant un véhicule motorisé à Madagascar, soit dit un "Quad", donc elle en est à sa deuxième fois....Faut suivre les parents, hein ? ha, ha, ha!
Anne E. & Co ;)

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