Le guide nous avait proposé trois options. Soit nous
grimpons comme prévu en espérant une éclaircie plus haut, soit nous attendons
que ça se dégage, soit on retourne à Pétropavlovsk et on trouve une activité de
remplacement. La majorité moins une voix opte pour la première option. Je me décide
pour le grand angle, mon sac à dos est déjà assez lourd et je ne vais pas
changer d’objectif par un temps pareil.
Un guide ouvre la marche, un autre la ferme. Parfait. Je
pars devant pour faire des photos. Vania trace en ligne directe, face à la pente,
malgré la neige. Nous avons 900 mètres de dénivelé jusqu’au sommet. Je me
permets de faire de petits lacets en marchant pour moins me fatiguer et moins
glisser. Pierre sent aussitôt que Vania a adopté une stratégie tout à fait
incompatible avec la résistance physique de plusieurs femmes du groupe :
il entreprend donc d’ouvrir une trace qui dessine de grandes boucles et,
rapidement, elles sont quatre marcheuses à le suivre, dans ses pas. Sans lui –
hommage lui soit rendu -, elles ne seraient pas montées si haut. Le vent
souffle encore et le ciel se dégage par moment, nous laissant voir de beaux
volcans. Petit à petit, alors que nous arrivons à mi-parcours, se dessine
l’océan Pacifique. Iégor, qui parle anglais, nous explique que la pente va
se raidir, la largeur de la voie se rétrécir et que les grands virages ne
seront plus possibles.
Il se propose de redescendre doucement avec ceux qui le
désirent. Nous buvons un coup et la moitié du groupe se décide à le suivre.
Pierre, Marc et moi, accompagnés des deux ados, poussons jusqu’au sommet avec
Vania. Nous sommes dans un nuage : un crachin assez épais ne nous lâche plus. Nous remplissons nos gourdes à un mini torrent et nous arrivons au
cratère du volcan. Nous ne voyons pas plus d’un côté que de l’autre. Nous
restons groupés pour ne pas nous perdre de vue. Vania pour propose de
poursuivre sur la crête. Nous descendons sur un petit plateau, dans le cratère,
légèrement en contrebas. Il ne pleut plus, nous faisons une pause avant de
rebrousser chemin. De l’eau et trois tablettes de chocolat sont aussitôt
avalées. Natalia et Sourire (traduction de Michiyé, prénom yakoute) sont
restées au campement pour cuisiner et un petit repas nous attend dans le camion. Rien ne nous a
été distribué en fruit sec ou autre barre énergétique. Le petit-déj est loin,
entre cinq et six heures maintenant. Ce n'est ni pro ni raisonnable, j'ai fais confiance à l'encadrement, je n'aurais pas dû.
Nous reprenons la crête du cratère pour emprunter le même
itinéraire en descente. Pas de pluie. Du vent. Le miracle se produit, une
éclaircie apparaît. Se dégage alors des volcans à perte de vue. Et par delà la
chaîne volcanique, l’océan Pacifique. C’est d’autant plus grandiose que c’était
une purée de pois quelques minutes plus tôt et que, déjà, d’autres nuages se
précipitent. Allez, on redescend… Mais attendez, venez voir nous crie Marc, resté quelques mètres
en arrière ! Le cratère, qui n’était qu’un immense nuage gris, s’éclaircit
et dévoile sa profondeur ainsi qu’un petit lac. Beau spectacle bien mérité ! Nous ne
sommes donc pas montés simplement pour le plaisir de l’effort et du défi. La
première partie est très pentue, la terre caillouteuse, et mon genoux droit est
douloureux à chaque flexion, m’obligeant à claudiquer. Je connaissais le risque. Ensuite, la descente
dans la neige, moins pentue, se fait en douceur. Le pied s’enfonce de plusieurs
centimètres, créant un effet d’amortisseur. Je n’ai plus mal. Mais j’ai bien
reçu l’avertissement. Dès que je peux, je me laisse glisser sur les fesses ou
sur mon sac à dos. Il faut rester prudent et contrôler sa vitesse car des ilots de pierres volcaniques noires sont visibles, régulièrement je dois freiner jambes tendues. Nous
mettons cinq fois moins de temps pour rejoindre le Kamaz qu’il n’en a fallu
pour atteindre le sommet. Dernière glissade, je m’immobilise devant une partie
rocheuse et m’appuie sur mes bâtons pour me relever, dans un enchaînement
parfait. Mauvaise idée. Celui de gauche se plie aussitôt à angle droit. Je n’ai
pas d’autre option que de le redresser et il se casse. C’est la limite des
bâtons télescopiques ! Il est 16 heures.
Arrivé au véhicule, je dévore la
salade dans le plat commun. Ils ont oublié les assiettes. Ça n’a aucune
importance pour moi. Un peu de saumon fumé, un blini pour conclure, une
vaisselle succincte dans l’eau qui ruisselle tout autour de nous. La première
partie du groupe a fini de manger depuis un moment déjà, mais sans salade
composée car ils ne trouvaient pas les fourchettes ! Nous reprenons la
direction du campement où les cuisinières nous préparent le repas. Dix-sept
heures et il nous faut manger tout de suite – c’est le repas de midi – car nous
avons encore quatre heures de route jusqu’à l’hôtel où nous devons passer la
nuit. Evidemment je n’ai pas faim. Natalia n’arrive pas à comprendre ce qui ne
nous plait pas dans sa cuisine. Et nous ferons encore annuler le dîner.
Bonne nouvelle : la météo sera au beau fixe demain, les
hélicoptères pourront voler. Sortie prévue : la vallée des geysers. Nous
demandons à partir en priorité au lac Kourile, voir les ours se repaître de
saumons. Le temps de boire un verre et Sacha – le responsable - nous confirme
que le changement a pu être opéré.
A suivre
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