Mardi 18 – mercredi 19 juillet 2017
Le temps restera ensoleillé plusieurs jours et nous
pourrons, le mardi et le mercredi, enchaîner deux sorties aériennes. Depuis
Pétropavlovsk, deux destinations sont proposées aux touristes sur des sites
protégés exceptionnels, à moins de deux heures de vol avec interdiction de
dormir sur le site. Nous verrons quand même quelques tentes dans le camp du lac
Kourile. Les sorties sur place sont encadrées par des guides anglophones et des
gardes armés de fusils. Les ours sont nombreux, 20 000 au Kamtchatka et
1000 rien qu’autour du lac. La population de ces grands mammifères aurait –
selon certaines sources - réduit assez considérablement du fait de la chasse et
d’activités de braconnage. Et même si la nourriture est abondante (saumons),
des accidents surviennent, souvent fruits de l’imprudence humaine. Nous devons
rester groupés derrière le garde. Nous devons rester sur nos gardes !
Départ à 10h40 de l’hôtel, ces deux journées sont assez
courtes mais très bien organisées. C’est la première fois en Russie que nous
sommes face à une structure touristique de haut vol. Certes, il y a un an ou
deux, un hélicoptère se serait écrasé à cause d’une surcharge du nombre de
passagers (je n’ai pas retrouvé trace de cette histoire pour donner une date précise), les accidents au Kamtchatka concernent plus
souvent le ski hors piste qui demande la dépose des clients sur les sommets.
Nous prévoyons d’être vigilants.
Mardi et mercredi seront découpés en trois parties : la visite
du site proprement dit, une baignade dans un lac volcanique sur un autre site –
où nous nous rendrons pas les airs – et un repas pique-nique dans ce même lieu
sauvage et reculé. Pour commencer, un minibus Aeroflot nous prend devant
l’hôtel. Nous quittons la zone goudronnée. Un gros hélicoptère sur un
promontoire, transformé en sculpture, nous assure, au dernier carrefour, que
nous sommes proches de la base. Nous descendons sur un petit parking non
goudronné. Pour l’instant, on est loin du standing des aéroports. Nous franchissons à pied la barrière du site.
Sur la droite, deux chalets-boutique : l’un vend du saumon, le second des
objets plus touristiques avec le logo Kamtchatka. Plusieurs bancs, faits du
même bois, permettent de profiter de l’ombre fournie par plusieurs arbres. Le
temps est clair, le soleil brille. Quelques mètres plus loin, en arrière plan,
un petit hélicoptère blanc parade, lui aussi relégué en pièce de musée en plein air.
En face de lui, sur notre gauche si l’on s’en tient à notre
point d’arrivée, le bâtiment très moderne de l’héliport. A l’intérieur –
minuscule en comparaison des aéroports que nous sommes habitués à fréquenter –
un accueil avec deux hôtesses, surmonté de deux grands écrans sur lesquels rien
n’est affiché. Tout est neuf, on a l’impression qu’ils n’ont pas encore eu le
temps de les brancher. Plusieurs rangées de fauteuils permettent aux passagers
de patienter. Une cinquantaine de sièges peut-être, une dizaine occupés et
quelques personnes « en marche » dans cet espace. Des photos du
Kamtchatka ornent les murs. Une impression très professionnelle et
réconfortante se dégage de cette atmosphère.
On donne nos passeports. On nous les rend avec une grosse
étiquette en plastique sur laquelle est gravé, en très gros caractères, le
numéro du vol, à trois chiffres. Un grand ruban bleu nous invite à la porter
autour du cou. Une demi-heure plus tard, des haut-parleurs annoncent notre
numéro. Ce devait être 609 car, que l’on prenne l’étiquette dans un sens ou
dans l’autre, nous pouvions lire le même numéro ; ils pensent à
tout ces Russes !
Nous identifions notre nom inscrit sur la liste de la
vingtaine de passagers. Aucun portique de sécurité ni radiographie des sacs.
Une guide, parlant un anglais parfait, nous regroupe à l’arrière du bâtiment,
sur le tarmac. Conseils de sécurité : nous nous rendons à pied à notre
hélicoptère donc on ne s’arrête pas pour faire des photos même si elles ne sont
pas interdites, on reste groupé. La flotte n’est composée que d’une vingtaine
d’appareils. Plusieurs gros hélicoptères sont devant nous. Certains en
entretien. Le personnel au sol se déplace en vélo d’un hélico à l’autre. Ça donne un côté asiatique à l’ensemble. Il est vrai qu’on peut difficilement être
plus en Asie, nous sommes au nord du Japon. Des gros hélicoptères au milieu de
la verdure, avec des hommes en bicyclette, c’est une image déjà vue dans les
films de guerre américains.
Je n’avais jamais approché un de ces
appareils. Les gros hélicoptères MI-8 russes sont plus connus dans des
contextes militaires ; ici ils sont peints en blanc avec une grande bande
rouge qui va en s’élargissant vers l’arrière. Un petit drapeau blanc-bleu-rouge est peint sur la queue tout de même. Ni roquette, ni mitrailleuse mais bien cinq immenses
pales. Le train d'atterrissage est composé d'une double roue à l’avant et une de chaque coté à l’arrière, non
rétractables. L’ensemble donne une impression de robustesse. Cinq hublots de
chaque côté, un petit escalier de trois ou quatre marches pour grimper – petite
échelle métallique qui sera basculée à l’intérieur avant de fermer la porte. Ces
petites fenêtres, quand elles sont rondes, ce qui n’est pas toujours le cas,
donne à l’engin une allure de submersible prêt à partir au fond des océans. Mais
restons au-dessus, ce sera préférable. D’ailleurs, il y a une base de sous-marins dans la
baie de Pétropavlovsk, à côté d’une ville fantôme - Vilioutchinsk -, à laquelle
on n’accède qu’avec des autorisations spéciales.
Seul le cockpit des pilotes est entièrement vitré. Et encore
il faut relativiser. Certains ont leur pare-brise découpé en sept vitres -
séparées par des montants métalliques - sur une circonférence de 180 degrés
avec seulement deux plus petites au niveau du plancher, de part et d’autre du
petit nez de l’appareil. Et d’autres ont un nez plus petit et plus bas ce qui
permet d’avoir une petite vitre supplémentaire, basse et centrale. Dans tous
les cas, les pilotes peuvent avoir une sensation de vide sous eux, ce qui n’est
pas du tout la situation des passagers. Dommage.
A l’intérieur, un couloir central et des rangées de deux
sièges de chaque côté. Les hublots, qui paraissent plus grands que dans les
avions, sont moins épais, ce qui ne garanti pas leur propreté. Les photos
seront moins claires qu’en plein air et il y aura souvent une pale qui viendra
se figer lors du déclenchement, même à la vitesse de 1/8000 seconde. Le
lendemain, notre hélicoptère sera agencé différemment : les fauteuils
seront adossés à la cloison et neuf passagers seront face à neuf autres, alors
que les trois derniers seront dos à la cabine de pilotage. Un hublot intérieur nous permet de voir les pilotes, et inversement. La jeune femme, qui
nous a conduits à l’intérieur, reste avec nous et sera notre guide sur le site
de destination. Elle nous distribue à chacun un casque jaune sans fil, à placer
sur les oreilles pour atténuer le bruit des rotors. Je finirai par l’enlever
car la protection est partielle, la gêne certaine et la chaleur de trop. Et
systématiquement, quand j’enlève mon chapeau, je m’assomme en sortant de l’hélico
(la porte est basse). Le temps d’attente est plus ou moins long avant le
décollage. Le deuxième jour, j’en profiterai pour relire notre programme de
voyage, le nom des volcans. Je relève la tête pour ranger mes lunettes dans mon
sac et… nous sommes déjà dans les airs ! Voilà, pour résumer les
impressions au décollage. Aucune. A l’atterrissage, c’est la même chose et l’on comprend pourquoi
quand on assiste à la manœuvre de l’extérieur : l’hélicoptère reste en
suspension très près du sol jusqu’à réduction totale de sa vitesse et,
ensuite seulement, il se pose, en douceur, comme une feuille. Inutile donc de
prévoir des médicaments contre le mal de mer.
Baignade dans une eau à 40°, trop chaude pour certains. |
Le grand intérêt des vols que nous avons effectués est
qu’ils se déroulent à une assez basse altitude. On discerne les arbres et les
rivières et on survole des volcans de 1500 mètres d’altitude. Le paysage est
sauvage, le kraï du Kamtchatka (et oui, ce n’est pas un oblast) est presque
désert avec 0,7 habitants au km2, alors
que la Russie a déjà une moyenne faible inférieure à 9. En France, en
comparaison, il y en a presque cent. Le plus extraordinaire s’est produit en
allant à la vallée des geysers. Bien plus fantastique que les geysers
eux-mêmes. Le vol était clair, ensoleillé. Quand la météo est mauvaise, les
vols sont annulés, ce qui garanti aux chanceux des voyages tranquilles et une vue
dégagée, au moins partiellement. Mais le vent ne s’interrompt pas pour autant.
Le temps reste changeant sur cette péninsule et d’ailleurs, voilà quelques
volutes grises ! Peut-être que ça va secouer si l’on traverse une zone de
turbulence. Moi qui viens d’écrire qu’on n’a pas de sensation dans ces gros
bourdons volants, j’aurais peut-être dû rester un peu plus humble. Mais ma
pensée ne va pas plus loin : nous sommes à côté, au dessus, à portée de
main, au même endroit, au bon endroit, at the right place, nous sommes au bord
du cratère d’un volcan en activité ! Ce n’est pas possible, je rêve !
Une énorme fumée noire s’échappe des entrailles de la terre, de cette montagne
en forme de cône, là, juste devant. Mais regarde ! Là ! Ce qui peut
sembler si banal après toutes les images déjà vues de ce phénomène, prend, de
notre point de vue, une force inouïe. Nous sommes si près qu’aucune de nos
photos ne rendra la grandeur de la scène. Au cœur de l’évènement, c’est d’une
force à couper le souffle. Impensable de croire qu’une telle charge d’émotion
puisse être produite par ce spectacle, par ce volcan en activité, le Karymski -
Карымская сопка -, 1486 mètres. Il est en irruption depuis 2001. Cela fait donc 16
ans qu’il crache, éructe, fume. Ce n’est pas étonnant que personne ne nous ait
prévenus, que le pilote sache exactement où passer sans se retrouver dans la
fumée, sans se faire surprendre par le vent. La banalité de la vie terrestre du
Kamtchatka. Un non-évènement. Et pourtant, j’ai l’impression d’assister à la
création, sinon de l’univers, du moins de notre planète. Nous ne sommes
vraiment rien de plus qu’un esprit à qui l’on a octroyé cette faveur ultime de
contempler la force de la matière. L’hélicoptère peut bien m’emporter où il
veut maintenant, je suis comblé. Et le pilote contourne la montagne de feu pour
offrir cette vision aux passagers assis de l’autre côté, qui maudissent le
sort de les avoir placés à cet endroit.
A peine remis de nos émotions, nous survolons cette fois le
volcan Maly Semyatchik - Малый Семячик -, 1520 mètres. Le cratère, de 500
mètres de diamètres, est occupé par un lac aux propriétés particulières :
sa forte concentration en acides lui donne une couleur bleu turquoise.
Autrement dit, sous le soleil, la scène est très belle. Les hublots sont par
contre toujours aussi sales. La seule solution pour la photographie est de
louer son hélicoptère personnel et d’ouvrir la fenêtre. Mais ça, on verra pour la
prochaine fois.
A suivre
1 commentaire:
Magnifiques photos, Paysages à couper le souffle et très bon commentaire expliquatif, Merci Christophe !
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